La Dépêche du Midi – édition nationale du 10 octobre 2006.

Vent de révolte chez les psys

Le collectif national contre le projet de loi Sarkozy sur la prévention de la délinquance appelle, aujourd’hui, à une journée d’action nationale. Une manifestation aura lieu à Toulouse à partir de 12 heures place Saint-Sernin. Psychiatre hospitalier à Auch, Olivier Labouret explique les raisons de la colère.

Vous parlez d’une loi liberticide et dénoncez les nouveaux pouvoir promis aux maires en matière d’hospitalisation d’office. Qu’est-ce qui vous inquiète ?

Ce que nous refusons, c’est l’instrumentalisation de notre profession à des fins sécuritaires. Notre mission c’est le soin, la santé mentale, pas l’ordre public. Et de ce point de vue, il est évident que le projet de loi qui doit être soumis à l’assemblée nationale est dangereux. Il faut que les gens sachent que si ce texte est adopté, le maire pourra décider d’ordonner l’hospitalisation d’office d’une personne s’il considère que son comportement compromet l’ordre public ou la sûreté des personnes. En clair, une scène de ménage ou une soirée trop arrosée dans la rue pourra se terminer par un internement en hôpital psychiatrique. Ce qui est absolument inacceptable, c’est que cette décision qui jusque-là était prise par un médecin, se prendra désormais sans aucun avis médical !

Vous dénoncez également le fichage systématique des patients hospitalisés dans ces conditions…

Oui, ces patients seront fichés pendant cinq ans et le préfet comme le directeur de la DDASS auront accès à ces informations au mépris du secret médical. Il y a plus grave : le délai de rétention dans le cadre d’une hospitalisation d’office passera de 48 heures à 72 heures, même si l’avis médical n’en confirme pas le bien fondé. On a le sentiment, aujourd’hui, que le politique veut délibérément écarter le praticien hospitalier. Par exemple, à tous moments le maire pourra demander une expertise médicale sur un patient. Quand on connaît la grande misère de l’expertise psychiatrique (voir Outreau) on peut nourrir quelques inquiétudes sur ces orientations.

Ce mouvement dépasse largement la seule psychiatrie…

Oui, il y a dans notre collectif des soignants, des enseignants, des magistrats, des avocats et des travailleurs sociaux qui craignent la mise en place de l’équation suivante : précarité = délinquance = trouble psychiatrique. En d’autres termes ce que l’on voit se profiler c’est une dérive vers un ordre normatif à l’américaine plutôt inquiétant quand on connaît les ambitions de son auteur.

Propos recueillis par H. Monzat