Lettre au ministre de la santé pour l’accès direct à la consultation psychiatrique

Monsieur le Ministre de la Santé et de la Protection Sociale, Les Psychiatres ne veulent pas être les dindons de la farce de Noël ! L’U.S.P. s’insurge de façon virulente contre le récent amendement à la loi sur l’Assurance Maladie qui n’autorise plus désormais l’accès direct (spécifique) à la consultation psychiatrique. Au dela du fait qu’il pénalise toute personne qui souhaiterait toujours s’inscrire dans le respect du colloque strictement singulier propre à notre discipline, cet amendement, promulgué sans aucune concertation avec nos organisations professionnelles, réduit la fonction du psychiatre à celle de « distributeur » de soins » – visiblement médicamenteux dans l’esprit du législateur -, sous la férule de l’Ordonnateur (contrôleur ?) des soins, rôle nécessairement dévolu au Médecin Traitant (généraliste, par principe, malgré l’hypocrite ambiguïté de la loi !). Les fausses espérances matérielles de certain, prêts à vendre leur inconscient au diable-marchand, ne doivent pas faire oublier la spécificité de nos pratiques, et la diversité des modes de prise en charge de la souffrance psychique. Le « parcours » de soins dit « coordonné », dans la « traçabilité » qu’il revendique, suggère bien qu’il s’agit là d’un parcours du combattant niant la position du sujet, thérapeute et patient se retrouvant tous deux dans l’instrumentalisation de leurs places respectives, au travers de cet itinéraire « sous contrôle » qui substitue l’ « adressage » au transfert, l’« avis technique » à l’élaboration de la demande, la «séquence de soins » à la thérapie, les « référentiels de bonnes pratiques » à l’écoute bienveillante et à la subjectivité de l’intime, la triangulation au colloque singulier … La question du transfert elle-même semble désormais se réduire à l’échange… d’informations, puisqu’un « retour d’informations techniques » vers le médecin traitant sera désormais imposé par la « coordination » des soins …. dans l’intérêt du patient évidemment, et de son « suivi » par un « expert de haute technicité » … A moins que ce dernier, dans la toute puissance que lui confère cette fois l’autorité administrative, ne s’approprie cette place – et le « projet de soins »- avec le « consentement éclairé » de son patient ? Quant aux moins de 26 ans (âge de déraison??), souffrants de troubles psychiques, qui conservent le libre accès au psychiatre (a condition toutefois que celui-ci puisse rendre compte – à qui ? – d’un « suivi rigoureux »), nous pouvons faire l’hypothèse, hélas facilement vérifiable, que leur parcours personnel se sera déjà primitivement inscrit dans d’autres filières de « prises en charge médico-sociales », comme en témoignent le rapport Benesti sur le dépistage des « délinquants précoces », ou les textes des Ministères de la Santé et de l’Education sur le dépistage des jeunes ou futurs psychopathes, et sur le repérage des troubles comportementaux (nécessairement pathologiques !) dans les établissements scolaires. Plus globalement, l’U.S.P. ne peut que dénoncer ces mesures qui s’inscrivent à la fois dans le courant actuel de disqualification des thérapies psychodynamiques et de la psychanalyse, et dans l’orientation de plus en plus prononcée de la déqualification de la fonction du psychiatre, réduite à la technicité de l’expertise ponctuelle ou à la prescription de soins médicamenteux très contingentés. L’U.S.P. affirme son opposition à ces modalités non concertées, qui, dans la continuité de la loi de 2004 portant réforme de l’Assurance Maladie, contribuent une nouvelle fois à réduire l’offre de soins, notamment pour les populations les plus précarisées, entérinant désormais une médecine à plusieurs vitesses qui multiplie les obstacles interdisant le libre accès aux soins pour l’ensemble des citoyens. Docteur Philippe GASSER Chargé de l’Exercice Privé

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