Dépêche APM du 8 février 2007 : Les candidats à l’élection présidentielle s’opposent sur le concept d’hôpital entreprise et sur la réduction du temps de travail

PARIS, 8 février 2007 (APM) – Les candidats à l’élection présidentielle ont fait part d’avis plus ou moins divergents sur les thèmes hospitaliers, notamment sur le concept d’hôpital entreprise et sur l’application de la réduction du temps de travail, dans leurs réponses au questionnaire élaboré par l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH).

L’intersyndicat a reçu des réponses écrites de cinq partis : le parti socialiste (PS, Ségolène Royal), l’UDF (François Bayrou), les Verts (Dominique Voynet), le Front national (FN, Jean-Marie Le Pen) et le parti communiste (PC, Marie-Georges Buffet).

Il n’a pas reçu de réponse de l’UMP (Nicolas Sarkozy) mais le conseiller santé du candidat, Philippe Juvin, a participé mercredi à un débat organisé par l’INPH sur les questions de santé avec les représentants des cinq autres partis politiques.

Sur le thème de l’hôpital, Philippe Juvin a notamment évoqué la volonté de l’UMP de réfléchir à l’organisation du travail et à la fluidité des soins et d’harmoniser les statuts entre les praticiens à temps plein et ceux à temps partiel.

L’analyse des réponses écrites, plus précises que celles apportées lors du débat, montre le soutien des cinq autres candidats au service public et leur volonté de préserver les missions de l’hôpital en lui donnant des moyens adéquats.

Parmi les thèmes qui les divisent, figure notamment le concept d’hôpital entreprise.

Pour le FN, ce concept est « une solution comme une autre dès l’instant qu’il existe un savoir-faire professionnel aboutissant à un service rendu de qualité et satisfaisant pour les patients, à meilleur coût ». Pour lui, il s’agit d’une solution envisageable « dans le but d’alléger, clarifier et gérer les deniers publics de la sécurité sociale, sous cahier des charges imposé par l’Etat ». Les Français n’y verraient « aucun inconvénient » mais « la perte du statut d’agent territorial serait sans doute différemment ressentie par les professionnels hospitaliers », ajoute le FN.

Le PS, les Verts et le PC s’opposent au concept d’hôpital entreprise. « L’hôpital est avant tout un éléments du service public de santé et doit être organisé et jugé par rapport à des objectifs de santé », expliquent Les Verts, qui refusent également l’externalisation. Même si le PS s’oppose à la notion d' »hôpital qui ne viserait que la rentabilité », il souhaite renforcer l’efficience du service public « en adaptant son fonctionnement, son organisation aux besoins des patients et en ajustant avec agilité ses ressources ».

Du côté de l’UDF, la notion d’hôpital entreprise n’est pas exclue car cela peut permettre de « dynamiser et d’optimiser le management ». L’UDF préconise par ailleurs l’externalisation de certains services (restauration, nettoyage,…) mais pas de l’activité médicale. Il estime aussi nécessaire « d’ouvrir le plateau technique financé par la collectivité pour que des praticiens libéraux puissent intervenir avec des contrats précis pour soigner les patients ».

L’UDF estime également important de « donner plus d’autonomie aux établissements en renforçant l’autonomie des conseils d’administration, en relâchant la tutelle, en évitant de prendre chaque jour des circulaires et arrêtés non applicables ou non financés ». Il propose de changer la présidence des conseils d’administration: le président de région pour les CHU, le président de département pour les CH de référence et le maire pour les autres CH.

L’UDF envisage de faire participer les élus « par exemple à 10 % de l’investissement et au déficit de fonctionnement induit par l’investissement » pour qu’ils soient « réellement responsables et veillent en permanence, contrairement à aujourd’hui à l’adéquation de l’établissement aux besoins de la population ».

Tous les candidats prônent le maintien des secteurs libéral et hospitalier en veillant à réguler la concurrence. Les Verts font toutefois part de leurs réserves sur le secteur privé commercial et contestent la légitimité de l’actionnariat « dès lors que la santé est avant tout un bien public ». « Un bilan des disparités, portant sur la nature des activités réciproques, sur la desserte des populations comme sur les coûts d’activités comparables est absolument nécessaire et aurait dû être un préalable à la mise en place de la tarification à l’activité (T2A) », soulignent les Verts.

ATTRACTIVITE A AMELIORER POUR TOUS

Tous les candidats s’accordent sur le besoin d’améliorer les conditions de travail à l’hôpital afin de renforcer son attractivité. Le PS et le PC insistent sur la nécessaire harmonisation du niveau de rémunération « nette » des médecins entre le secteur libéral et l’hôpital.

Plusieurs préconisent de faire évoluer les modalités d’exercice. Ainsi, le PS s’oppose au retour à une « forme de temps minimal consacré à l’hôpital dans une pratique d’exercice libéral » mais se déclare ouvert « à toute forme d’innovation qui, tout en conservant le mode dominant d’exercice à temps plein, permettrait d’ouvrir la porte de l’hôpital à des médecins généralistes et spécialistes apportant leur concours au service public, sans que la rémunération à l’acte constitue la seule manière de rétribuer cette participation ». Le PS n’exclut pas non plus le « salariat d’une partie des médecins de ville ».

Pour l’UDF, il est nécessaire de remotiver le personnel en prévoyant une évolution vers des contrats prenant en compte la pénibilité, la responsabilité et l’activité.

Les Verts entendent travailler également sur la gestion des horaires des médecins, des infirmiers et des aides-soignants. Ils estiment par ailleurs que les hôpitaux doivent se spécialiser sur un secteur spécifique (cardiologie, gastro-entérologie, neurologie…) « afin d’y jouer la carte de l’excellence sans se concurrencer ».

LA RTT A REVOIR POUR CERTAINS

S’agissant de la réduction du temps de travail (RTT), les avis divergent. Le FN demande l’abrogation des 35 heures à l’hôpital alors que le PC s’oppose à toute mesure remettant en cause la RTT. Le PC préconise « un formidable effort de formation » pour avoir les professionnels qualifiés dont l’hôpital a besoin et il souhaite mettre rapidement en place « de nouvelles fonctions d’aide au fonctionnement des services pour l’accueil, pour l’administratif, etc ».

Pour le PS, la RTT constitue une « avancée sociale majeure » même si elle est difficile à appliquer sur le terrain. Il entend rechercher avec des organisations syndicales « toutes les améliorations possibles de la situation actuelle en traitant la question dans sa globalité ». De même les Verts souhaitent une « négociation sociale » sur l’application des 35 heures à l’hôpital. « La simple rémunération des journées RTT n’est pas satisfaisante car elle reviendrait à nier le nouveau dispositif », ajoutent-ils.

Sur le thème de l’enseignement et de la recherche, le PS prône une évolution des conventions entre l’hôpital et les universités. Il estime qu’il faut « diffuser l’esprit d’innovation dans tous les établissements de santé dès lors qu’ils développent leur capacité à travailler en réseau et que des passerelles les relient avec l’université et les grandes institutions de recherche ».

Pour l’UDF, il est « difficile, voire impossible », d’être excellent en soins, en enseignement et en recherche. « Il semblerait souhaitable de privilégier l’un ou l’autre pendant quelques années et d’évoluer ensuite vers un autre ».