Article de Libération du 31 janvier 2007 : Un collectif poursuit son «travail d’alerte» sur le projet de loi Sarkozy

Prévention de la délinquance: organisation de la résistance

Par Jacky DURAND

La guerre sera longue sur le front anti-Sarkozy si l’on en croit les adversaires de son projet de loi sur la prévention de la délinquance. Rassemblés dans le Collectif national unitaire de résistance à la délation (CNU), ils faisaient lundi le point sur leurs actions alors que le texte doit terminer sa navette parlementaire à l’Assemblée à partir du 13 février. «Le travail d’alerte de la population commence tout juste. C’est un projet de société, ça concerne tout le monde», a indiqué Hélène Franco, secrétaire général du Syndicat de la magistrature (SM), qui fait partie de la vingtaine d’organisations que compte le collectif.

Le 23 janvier, plusieurs centaines de personnes ont manifesté à Paris contre le projet de loi et d’autres actions ont eu lieu en province (Toulouse, Lyon, Rennes…), selon le CNU, pour dénoncer une «loi liberticide». «Ce texte repose sur la torsion des mots quand Nicolas Sarkozy affirme que « le premier outil de la prévention, c’est la sanction ». Moi, juge des enfants, je ne parle pas la même langue que le ministre de l’Intérieur», a dit Hélène Franco.

Chiens dangereux. Le projet de Sarkozy, adopté par le Sénat en deuxième lecture le 11 janvier, compte à ce stade une cinquantaine d’articles traitant aussi bien des pouvoirs du maire que de l’internement en hôpital psychiatrique, des mineurs, des toxicomanes, des chiens dangereux ou encore des gens du voyage. Il place notamment les maires au centre de la politique de prévention, et durcit les sanctions contre les mineurs. L’un des volets les plus contestés instaure la possibilité pour plusieurs corps de métiers de communiquer aux édiles des informations confidentielles, ce que craignent en particulier les travailleurs sociaux (lire ci-contre).

Les adversaires du texte estiment avoir remporté une première victoire le 25 janvier, quand le Conseil constitutionnel a censuré la procédure permettant au gouvernement de légiférer par ordonnance sur l’hospitalisation psychiatrique et le volet «santé mentale» du projet de loi Sarkozy. Désormais le CNU entend mobiliser députés et sénateurs pour qu’ils saisissent le Conseil constitutionnel sur d’autres points qui «remettent en cause le principe de respect de la vie privée», selon Hélène Franco. Il s’agit de deux fichiers instaurés par le texte. «Le premier concernerait les enfants scolarisés et mentionnerait la nationalité et la situation maritale des parents, indique-elle. Quelle en sera son utilisation quand il sera transmis au maire ? Le second fichier concernerait les personnes ayant fait l’objet d’une hospitalisation psychiatrique d’office et qui seraient fichées dans les cinq ans suivant leur sortie. La police et la justice auraient accès à ce fichier.»

«Gros chantier». «C’est notre gros chantier à court terme», a déclaré Maurice Aubry, du syndicat SUD santé-sociaux, en rappelant que 60 députés ou 60 sénateurs pouvaient saisir le Conseil constitutionnel entre le vote définitif de la loi et sa promulgation par le président de la République.

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