Article du Qutidien du Médecin du 5 mars 2007 : Des urgentistes, psychiatres et généralistes contre les corporatismes

L’AMUF, L’UNSP ET LE SMG FONT PROJET COMMUN

Se posant en ardents défenseurs du service public de santé, trois organisations de médecins hospitaliers et libéraux font fi de leurs différences, et élaborent ensemble et tous azimuts des propositions pour l’avenir du système de soins.

Où EST PASSÉE la santé dans la campagne présidentielle ? Réunis pour porter un projet commun, trois organisations – l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), l’Union syndicale de la psychiatrie (Usp) et le Syndicat de la médecine générale (SMG) – s’interrogent. «Sur les questions sanitaires, les candidats écartent le débat, regrette le Dr Patrick Pelloux, président de l’Amuf. Que se passe-t-il ? Soit ça ne les intéresse pas. Soit ce débat appartient à une petite élite qui, droite ou gauche, mène toute seule une réflexion pour elle consensuelle.»
Amuf, Usp et SMG se posent avant tout en défenseurs acharnés du service public. Le Dr Pierre Paresys, porte-parole de l’Usp, explique : «Les fondations de notre système sont petit à petit détruites par les gouvernements successifs. Il faut arrêter ce mouvement et reprendre les valeurs de solidarité qui fondent un service public de la santé.»

Dans ce but, les trois syndicats formulent ensemble des propositions qu’ils veulent débarrassées de tout «corporatisme».
«La logique aujourd’hui dominante, c’est que chacun, dans les différents secteurs de l’offre de soins, défend son territoire. Il faut en finir. Nous travaillons sur ce qui fait nos convergences», souligne le Dr Didier Ménard, porte-parole du SMG.

Résultat : en matière de formation, de démographie, de permanence des soins, de coordination ville-hôpital, les trois organisations tracent des pistes de réflexion «à l’usage des candidats (à l’Elysée)» comme des professionnels. Des pistes qui, bien souvent, ont allure de remise à plat pure et simple. Les syndicats plaident, par exemple, pour que les étudiants en médecine, en école d’infirmières, de sages-femmes… touchent un Smic dès la deuxième année, l’idée étant «d’éviter une période de grande carence financière pour les jeunes qui entraîne un effet de rattrapage quand ils ont la possibilité de travailler». Ils suggèrent également que les études médicales soient raccourcies d’une année (par le regroupement des deuxième et troisième années) et insistent : «Les étudiants doivent connaître le monde du travail, l’organisation du système de santé et pas seulement le monde de la science.»«Il faut changer les mentalités, insiste Patrick Pelloux. Dès le début des études de médecine, la participation à la permanence des soins –la garde– est présentée comme quelque chose de pénible, comme une contrainte, du travail en plus. C’est dommage.» En matière de PDS, le patron de l’Amuf prône d’ailleurs un très grand ménage : «Il faut réinventer un système. Il n’y a plus que le Conseil de l’Ordre qui croit que l’actuel fonctionne!»
Fin de la liberté d’installation ? Au chapitre de la démographie, la question de la régulation de l’installation des jeunes générations ne peut pas ne pas être posée, estiment l’Amuf, l’Usp et le SMG, qui mettent sur la table les conditions de rémunération de l’ensemble des médecins, défendant des forfaits pour les libéraux, un statut et une rémunération unique pour les salariés quel que soit leur employeur.

Quant au pilotage du système – et à son financement –, il mérite lui aussi un grand coup de balai. «Mission régalienne de l’Etat», le service public de santé doit être débroussaillé pour que l’on sache précisément «qui y fait quoi». Amuf, Usp et SMG souhaitent que l’on «parte des territoires de santé en mettant en place à cet échelon des structures réunissant l’ensemble des partenaires du système».

A l’approche de l’élection présidentielle, le Dr Pelloux pousse les candidats dans leurs retranchements : «Les politiques sont malins. Ils disent aux Français “On a le meilleur système de santé”. Mais je pose la question: le “meilleur système de santé” aurait-il permis la crise de la canicule de 2003?»

KARINE PIGANEAU