Quotidien du Médecin 15/03/07 : Patrick Pelloux devant la chambre disciplinaire de l’Ordre

Patrick Pelloux devant la chambre disciplinaire de l’Ordre

L’audience est suspendue

Convoqué au conseil régional de l’Ordre pour avoir dit que les urgentistes n’étaient pas là pour « faire le boulot » dont les libéraux ne voulaient pas, le Dr Pelloux n’a guère eu le temps de se justifier : pour des raisons de procédure, l’affaire est renvoyée devant l’Ordre national qui jugera sur le fond d’ici à un mois.

SUR LE TROTTOIR de l’avenue d’Iéna, à Paris, devant le siège du conseil régional de l’Ordre des médecins, il y a la foule des grands jours. Une petite troupe de médecins urgentistes accompagnés de leurs amis est en effet massée devant la porte de l’immeuble, attendant l’ouverture du «procès», comme ils disent tous. Patrick Pelloux est là aussi, discutant avec l’un, chahutant avec l’autre, semblant prendre l’affaire avec le sourire. Son avocat, Me Benoît Chabert, est à côté de lui, vêtu de la traditionnelle robe d’avocat. «Tiens, lui dit Pelloux, je t’ai apporté le document attestant que depuis mai 1995, j’ai effectué 908 gardes.» «Merci, lui répond Me Chabert avec un bon sourire, c’est bien la première pièce que tu m’aides à verser au dossier.» Le tout dans une ambiance d’amicale connivence.

Le médiatique urgentiste et président de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf) est en effet convoqué devant la chambre disciplinaire du conseil régional de l’Ordre des médecins pour répondre d’une affaire qui l’oppose aux Drs Bernard Huynh et José Clavero. Lesquels lui reprochent d’avoir déclaré urbi et orbi, lors du mouvement de grève des urgentistes d’avril 2005, que «les urgences sont saturées et ne peuvent faire face à la demande ; les urgentistes ne sont pas là pour faire le boulot que les libéraux ne veulent pas faire». «Cette affaire est ridicule, explique Patrick Pelloux, à qui veut l’entendre sur le trottoir de l’avenue d’Iéna ; Huynh et Clavero veulent me faire taire et condamner pour des propos que j’ai tenus en tant que syndicaliste, mais je ne vais pas me laisser faire.»

Hémiplégie. Quelqu’un arrive soudain pour annoncer que la séance va commencer. Tout le monde, y compris Patrick Pelloux, son avocat, et Bernard Huynh, s’engouffre à l’intérieur du conseil régional et entre dans la salle de délibérations, située au rez-de-chaussée. La vue soudaine des neuf médecins chargés d’instruire l’affaire et habillés comme des magistrats semble calmer tout le monde. Si bien que c’est dans un silence presque religieux que le président de séance lit l’exposé des motifs. Pendant ce temps-là, Patrick Pelloux, qui connaît bien l’affaire, chuchote à l’oreille de son avocat. A leurs côtés, le Dr Bernard Huynh paraît un peu tendu. Il faut dire que le public présent penche plutôt pour le Dr Pelloux, et cette hémiplégie semble le rendre nerveux.

Me Benoît Chabert prend la parole et demande l’exception d’irrecevabilité : selon lui, le code de santé publique stipule qu’un médecin hospitalier ne peut être traduit devant la chambre disciplinaire de l’Ordre que sur demande du ministre de la Santé ou du procureur de la République. A ses yeux, «le Dr Huynh et le Dr Clavero auraient donc dû demander au ministre de saisir lui-même la chambre disciplinaire, au lieu de la saisir directement». Le Dr Huynh se lève : «Je connais bien cette disposition invoquée par Me Chabert. Mais elle ne s’applique qu’à des actes commis dans l’exercice de la fonction de médecin, et non dans le cadre de déclarations audiovisuelles. Ma plainte est donc recevable.» Le président de la chambre disciplinaire prend la parole : «Vous-même, Dr Pelloux, avez revendiqué cette déclaration comme ayant été faite dans le cadre de vos activités syndicales, et non dans le cadre de votre activité d’urgentiste.» Me Chabert se lève à nouveau : «Vous reconnaissez donc que vous vous apprêtez à juger un président de syndicat!» «Non, riposte le président, je juge un médecin. Mais nous allons en délibérer entre nous.» L’assistance est évacuée quelques minutes, puis invitée à revenir dans la salle. Le président de la chambre disciplinaire déclare que la plainte des Drs Huynh et Clavero est recevable.

Me Chabert se lève : «Dans ces conditions, nous faisons immédiatement appel.» Il y a un moment de flottement parmi les médecins de la chambre disciplinaire, puis le président déclare l’audience suspendue. L’affaire est renvoyée au conseil national qui l’examinera d’ici à un mois.

En sortant, le Dr Huynh ne cache pas sa déception : «L’avocat fait de la procédure, mais ma plainte finira bien par aboutir, même si ça doit prendre des années.»

H . S. R.