Réforme de la loi de 90 : La façon dont une société traite ses fous – motion issue du congrès 2007 de l’USP

L’Union Syndicale de la Psychiatrie, réunie en congrès à Angers les 16, 17 et 18 mars 2007, a adopté la motion suivante :

La révision de la loi du 27 juin 1990 était prévue dans son texte à 5 ans. Depuis, les internements ont augmenté, malgré l’ambition du législateur de leur diminution (plus de 76000 en 2003).
L’inclusion d’une réforme des hospitalisations d’office (HO) dans le projet de loi de prévention de la délinquance a entraîné une mobilisation qui a abouti au retrait des articles correspondants. Mais cela a aussi déclenché un mouvement de révision, d’abord sous la menace d’un passage par ordonnance, heureusement refusé par le Conseil Constitutionnel.

L’USP, qui participe aux discussions avec les pouvoirs publics, estime qu’il est essentiel de prendre le temps de la réflexion, car les libertés individuelles, mais aussi l’évolution des pratiques psychiatriques sont en jeu, dans cette zone sensible où se croisent soin et contrôle social.

L’USP s’oppose à une réforme bâclée, bouclée pour juin et présentée au Parlement en septembre, comme annoncé actuellement.

L’USP met en garde contre le pragmatisme affiché dans la « synthèse des positions des partenaires sur les évolutions à apporter à la loi de 1990 ». Ainsi, prévoir une « procédure en l’absence de tiers » dans l’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT) conduira au mêmes dérives que l’HDT dite « d’urgence » (avec un seul certificat, pouvant émaner d’un médecin de l’établissement) : elle deviendra la pratique majoritaire, car la plus facile. Ce pragmatisme reste profondément marqué par le principe de bienfaisance au nom duquel les risques d’atteinte à la liberté individuelle et le respect du choix des soins ou de leur refus sont systématiquement minimisés.

L’USP veut débattre notamment des questions suivantes, dans un contexte politique de plus en plus sécuritaire de stigmatisation de populations ciblées, et dans un contexte social où la préservation du capital-santé de chacun devient une obligation contraignante présentée comme un idéal de maîtrise individuelle :
– La judiciarisation des procédures d’internement dès leur mise en place (et pas seulement pour les contrôles a posteriori). Pourquoi maintenir une loi d’exception où ce n’est pas la justice qui traite a priori les questions de liberté individuelle ?
– La question du droit au refus de soin, y compris psychiatrique, dans la lignée des avancées de la loi du 4 mars 2002, et ce que cela implique comme éventuelles obligations de soins face à ces refus (avec ou sans privation de liberté). La garde à vue psychiatrique et les obligations de soins ambulatoires envisagées dans la synthèse restent floues et très problématiques, en l’absence actuelle de réelle possibilité pour un patient de faire appel à un défenseur de ses droits.
– La question des contre-pouvoirs accessibles aux personnes internées. Pour cela, trois intervenants impliqués, c’est un minimum : le patient, les soignants, un tiers demandeur (un proche dans l’HDT, l’autorité publique dans l’HO), et il ne faut surtout pas les réduire à deux (patient et système soignant). Quatre serait beaucoup mieux : patient, soignant, tiers demandeur et défenseur du patient. Pour ce dernier, les possibilités sont variées, et certaines existent déjà : personne de confiance, dispositif « d’advocacy », intervention du juge des libertés dès le début de la procédure, appel au procureur de la République en l’absence de tiers …

Le congrès mandate le conseil national de l’USP pour porter ses positions dans les discussions en cours.