Dépêche AFP du 20 juin 2008 : Le Sénat supprime la possibilité de créer un tribunal spécial pour étrangers

PARIS, 20 juin 2008 (AFP) – Le Sénat a supprimé samedi une disposition ajoutée par les députés au projet de réforme des institutions et dont plusieurs associations de défense des droits de l’Homme et le Syndicat de la magistrature (SM, gauche) craignaient qu’elle permette « la mise en place d’une juridiction d’exception pour les étrangers ».

A première vue technique, la mesure votée par l’Assemblée à l’instigation du président de la commission des lois, l’UMP Jean-Luc Warsmann, autorisait le législateur à transférer des « blocs de compétence » à telle ou telle juridiction, l’administrative ou la judiciaire, pour éviter que certains dossiers passent de l’une à l’autre. « Le gouvernement s’en était remis à la sagesse » de l’Assemblée, a indiqué Rachida Dati (Justice) selon laquelle « la création de blocs de compétence répond à souci de simplification pour le justiciable ». Mais la disposition « ne visait pas le contentieux des étrangers », a-t-elle soutenu en s’en remettant cette fois à la la sagesse du Sénat.

L’UMP, l’Union centriste, le PS et le PCF sont tombés d’accord pour supprimer cette disposition qu’ils ont jugée contraire au principe de séparation des pouvoirs entre administratif et judiciaire. Alima Boumediene-Thiery (Verts) a estimé qu’elle constituait une « menace pour la justice administrative notamment concernant le contentieux desétrangers. Le gouvernement veut créer une justice d’exception pour les étrangers en priant le juge administratif de ces compétences ». Eliane Assassi (PCF) a jugé que « beaucoup à droite estiment que le juge est un gêne à la mise en oeuvre de la politique d’imigration du gouvernement ».

Lors d’une conférence de presse, le 8 janvier dernier, le président Nicolas Sarkozy s’était prononcé, sans autre précision, pour « une juridiction qui s’occupe du droit des étrangers », alors que ce domaine relève aujourd’hui des tribunaux ordinaires, administratifs ou judiciaires.

Pour l’Union syndicale des magistrats administratifs (USMA) le gouvernement « réfléchissait » à la création de tribunaux spécialisés dans le traitement du contentieux des étrangers, qui réuniraient sous un même toit juges administratifs et judiciaires.