Rassemblement du 10 mai 2011 à LILLE contre le projet de Loi sur les soins sans consentement en psychiatrie – Texte destiné aux Préfets du Nord et du Pas de Calais, au Directeur de l’ARS

Nous sommes ici pour dénoncer le mensonge contenu dans une loi qui prétend améliorer la qualité et l’accès aux soins psychiatriques. Cette loi renforce les représentations stigmatisantes et coercitives de la psychiatrie. Pour les centaines de milliers de nouveaux usagers annuels, évitement et défiance viendront remplacer confiance et hospitalité. Les lieux d’accueil et de soin seront inexorablement marqués par les rapports de force inhérents à la mise en place de soins contraints en ambulatoire alors qu’ils ont vocation à être des espaces d’écoute, d’accueil et de prévention.
Alors que la Loi HPST par sa réduction mécanique des moyens favorise déjà la violence institutionnelle , cette loi viendra conforter la généralisation et la banalisation de la contrainte dans tous les lieux de soin et de vie des personnes. Est-il acceptable de considérer comme une innovation ou un progrès les soins sans consentement en ambulatoire et la généralisation de la contrainte alors même qu’il s’agit d’une proposition de « légalisation » de pratiques décrites comme abusives dénoncées dans un rapport de l’IGAS en mai 2005 ? Certe la commission reconnaît bien par ce rapport, dans la mesure de contrainte et les soins forcés une atteinte sévère à la liberté individuelle (p 6 et 13) elle constate, que le nombre des mesures d’hospitalisation sous contrainte a presque doublé depuis 1990 , elle admet qu’il s’agit de situations douloureuses et stigmatisantes pour les personnes ; les rédacteurs regrettent, concernant les sorties à l’essai, que leur durée prolongée contrevient à l’esprit de la loi et de la mesure (p 36), qu’elles finissent à l’évidence par être une obligation de soins qui ne dit pas son nom (p 36) ou déguisée (p40). Mais plutôt que de durcir les contrôles pour imposer une meilleure application,et limiter la contrainte à l’exception, la commission se propose d’assouplir ces mêmes mesures.!.. Elle choisit de faire de l’exception la règle , pour que tout rentre dans l’ordre . Cette commission ne fera que constater sans les analyser ou en évaluer les conséquences ,des écarts entre les départements pouvant aller de 1 à 5 pour les HDT et de 1à 9 pour les HO (hospitalisation sans le consentement antérieurement appelé internement) .Il est pourtant peu probable que ces écarts soient liés au nombre de patients, à leur état de santé ou leur situation mais plutôt à des pratiques différentes des équipes de psychiatrie et des Préfets… La politique de secteur sur quelques dizaines d’années a permis à un grand nombre d’équipe d’organiser notamment dans les centres médico-psychologiques (ou dans d’autres structures), un accueil , une disponibilité , une écoute dans des lieux ouverts et hospitaliers, dans la cité au plus prés de la population ; ces lieux sont pour le moment, le plus souvent accessibles sans excès de formalité , sans fichage excessif, sans paiement à l’acte et donc hors parcours de soins à tous ceux qui le souhaitent .. Cet accès direct , sans jugement, sans procédure ou protocole péapplicable , dans le respect de la différence , de la singularité , après quelques années , autorisera sans doute celui qui souffre , qui parfois se sent étrange , sur la base du « bouche à oreille » avec ou sans le soutien de proches à franchir les portes de la structure .. Ce n’est qu’un commencement , cette alliance , cette confiance , il faudra constamment la retravailler .. C’est ce travail de toute une équipe qui permettra de limiter autant que possible , la crise, l’urgence, la contrainte. Alors que la psychiatrie, par la politique de secteur, est en avance (pour ce qui concerne : la continuité , l’articulation hospitalisation-suivi ambulatoire , la prise en charge à temps partiel, voir la prise en charge médico-sociale), le plus souvent pour des motifs comptables, la proximité et l’ « expertise » des équipe de secteur sont détruites par des regroupement … Ce travail , en quelques mois sera balayé par la mise en oeuvre de cette loi (généralisation de la contrainte et ,mais aussi par la vap-rimpsy (T2a de la psychiatrie) comme excellent moyen de formatage des pratiques. Les dysfonctionnements performants (pour coller aux chiffres et aux exigences productivistes) vont désorganiser un peu plus les hôpitaux publics, les rendant déficients et plus chers La dégradation à l’oeuvre du service public et ses conséquences sur l’accès au soin sans oublier la baisse de la prise en charge par l’assurance maladie qui amène la population à retarder la demande de soins vont entraîner comme aux États-Unis un surcoût global financé par les patients et la population au profits des entreprises de santé et de leurs actionnaires, des assurances et de leurs actionnaires , des laboratoires pharmaceutiques. La plume qui par les lois et décrets qu’elle signe, pousse la population à ne pas se soigner, les hôpitaux et les médecins à faire du chiffre, à se résigner pour certains à « adapter leur éthique », à sélectionner les actes et les patients, à réduire ces patients à des clients et des sommes d’actes, le professionnel à un producteur d’actes,n’est-elle pas beaucoup plus dangereuse que les images qu’on exhibe pour nous faire peur ? La voix qui prétend classer les hôpitaux en fonction du taux de mortalité ne peut ignorer la sanction qui peut en résulter pour les patients âgés, fragiles, trop lourds etc. priés de mourir avant l’admission, après leur sortie ou leur transfert. L’évaluation tous azimuts, le culte des chiffres tue en éloignant les équipes de leur objet: l’humain. Si nous sommes bien conscients que des services départementaux ou régionaux de l’état sont tenus de respecter les orientations de l’état, rien ne les contraint le zèle dans leurs applications , comme nous avons pu le voir dans le registre sécuritaire avec l’apparition de barrières , de grillages et de grands écrans de vidéo-surveillance à l’entrée de l’EPSM des Flandres, de caméra dans des lieux d’accueil. Nous souhaitons bien sûr que nos exigences concernant l’abandon de la loi « relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet d’une prise en charge psychiatrique » soient transmises. Enfin nous exigeons que l’ARS soutienne la politique de secteur là où elle est à l’oeuvre et favorise son rétablissement là ou sa destruction est en cours. Pour se faire , les pôles doivent rester des secteurs ou le redevenir, l’expertise des équipes doit être soutenue avec une dotation permettant de garantir accueil et écoute localement ,en amont de l’urgence et de la crise. Pour ce faire un rattrapage régional est indispensable et pour éviter une activité centrée sur la conquète ou la sauvegarde d’un budget ou d’un marché plus que sur les besoins de la population, la région doit revenir à une dotation répartie sur une base socio-démographique. Pierre Paresys – USP Nord Pas-de-Calais

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