Article du Quotidien du médecin du 29 mai 2013 : Soins psychiatriques sans consentement : des députés prônent un aménagement de la loi

Dans quelle mesure faut-il revoir la loi du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques sans consentement ? Instaurée par la commission des affaires sociales, la mission sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, présidée par Jean-Pierre Barbier (député de l’Isère, UMP), avec pour rapporteur Denys Robiliard (Loir-et-Cher, SRC), a rendu public ce mercredi son rapport d’étape, fruit de 4 mois d’auditions. Le document s’intéresse plus particulièrement aux soins sans consentement, en réponse à l’avis du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012. Les sages, saisis par le Conseil d’État à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité soumise par le Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA) avaient censuré deux dispositions du code de la santé publique, issue de la loi de juillet 2011. Leur abrogation avait été reportée au 1er octobre 2013 pour laisser le temps au législateur de modifier la loi.

Les dispositions contestées

Les dispositions jugées contraires à la constitution concernent le régime dérogatoire applicable à la sortie des personnes ayant séjourné en unités pour malades difficiles (UMD) ou pénalement irresponsables. À leur égard, les articles L.3211-12, alinéa 2, et L.3213-8 du code de santé publique prévoient que le juge des libertés (JDL) ou le représentant de l’État dans le département doivent être saisis pour ordonner la mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement. Ils doivent recueillir l’avis d’un collège de soignants et deux expertises établies par des experts psychiatres.

Le Conseil constitutionnel ne conteste pas au législateur la légitimité de définir des conditions particulières pour ces mainlevées. Mais il estime que la loi ne protège pas suffisamment les psychotiques contre tout risque d’arbitraire, notamment au niveau des critères d’admissions en UMD ou des conditions de décision de l’irresponsabilité pénale. Des personnes seraient ainsi soumises sans garanties suffisantes à un régime très rigoureux.

Distinguer UMD et irresponsabilité pénale

« Techniquement, on peut ne pas légiférer », affirme Denys Robiliard. Si le législateur ne se manifeste pas, les deux articles seront donc abrogés au 1er octobre 2013, et les patients en UMD ou irresponsables pénalement rentreront dans le droit commun de toutes les hospitalisations sous contraintes. « Le fonctionnement du dispositif de soins sans consentement ne serait pas interrompu », précise le rapport.

Pour les patients hospitalisés en UMD, ce retour au droit commun serait légitime dans le fond, estime Denys Robiliard. « Il n’y a pas besoin d’un statut spécial. Quand un patient passe d’un service de réanimation à un service de chirurgie, il n’a pas besoin de l’intervention d’un préfet. L’UMD, c’est comme un service de réanimation », compare le député. Et d’insister sur la finalité thérapeutique : l’UMD suppose un renforcement des moyens, comme une unité de soins intensifs. L’aspect carcéral ne doit pas primer et la fermeture du service n’est d’ailleurs pas spécifique à l’UMD. Enfin, la mesure de soins sans consentement n’est pas levée après la sortie de l’UMD. Le patient doit poursuivre ses traitements dans un établissement ou un service hospitalier spécialisé, ou en milieu carcéral.

En revanche, la mission d’information préconise un régime plus rigoureux de mainlevée des mesures appliquées aux déclarés irresponsables. « Pour une personne qui est passée à l’acte, il faut multiplier les contrôles. Cela rend la levée de la mesure de soins sans consentement plus acceptable par la société », explique au« Quotidien » Denys Robiliard.

Il faudrait alors qu’une nouvelle loi soit votée avant le 1er octobre pour maintenir ce régime dérogatoire.

Vers un plus large toilettage

La mission Robiliard aborde deux autres dispositions que le Conseil constitutionnel a indirectement fragilisées, sans les déclarer pour autant contraires à la constitution. Les députés souhaiteraient des améliorations de la loi au niveau des garanties légales encadrant l’admission dans une UMD. Certaines d’entre elles devraient recevoir une consécration législative, et ne pas rester dans les décrets. Ils préconisent que la justice alerte le préfet d’une décision d’irresponsabilité pénale en cas de crime, et non systématiquement et informe au préalable le sujet concerné.

Enfin, le rapport d’étape balaie, à travers 17 recommandations provisoires, d’autres points de la loi du 5 juillet 2011 susceptibles d’être améliorés.

Plus d’informations dans notre prochaine édition papier du 3 juin.

COLINE GARRÉ