Motion de la CME de l’EPS Ville Evrard

La Commission Médicale d’Établissement de l’EPS Ville Evrard s’indigne de la démarche du groupe de parlementaires qui, sous prétexte « de promouvoir une prise en charge effective de l’autisme », a proposé à l’Assemblée Nationale une résolution qui attaque la psychiatrie et invite le gouvernement à retirer des budgets au service public, à imposer ou interdire des pratiques de soin dans le domaine de l’autisme sous menace de sanctions pénales, alors qu’encore aujourd’hui les connaissances scientifiques dans ce domaine restent très évolutives.

Il s’agit en fait d’une tentative de mettre en place une doctrine scientifique d’Etat, corollaire d’une pratique de psychothérapie d’Etat. Ce texte procède par une série d’approximations et d’amalgames dans un but d’instrumentalisation de la souffrance des patients autistes et de leurs familles. C’est une démarche politique visant à transformer la Haute Autorité de Santé – HAS – d’instance indépendante consultative en instance législative, à l’encontre même des statuts de l’ HAS et de l’esprit de la Constitution de la République.

Nous exprimons notre satisfaction que cette proposition de résolution soit rejetée par la majorité des députés présents lors de la séance. Cet épisode est devenu l’occasion d’une mobilisation rassemblant des dizaines de milliers de professionnels, de patients et de familles qui, par leurs témoignages ont rendu évident le besoin de pratiques plurielles et intégratives, respectueuses de la singularité de chaque patient. Ce rassemblement est en lui-même une victoire pour la perspective d’une psychiatrie humaniste.

Nous saluons les prises de position des parlementaires ayant défendu la liberté de pensée et de recherche, l’indépendance et la liberté de prescription des professionnels, le Code de Déontologie, enfin la liberté de choix des patients et des familles, en dénonçant les véritables obstacles à l’inclusion scolaire et sociale des personnes avec autisme, à savoir la pénurie de moyens dans les secteurs sanitaire et médico-social et dans l’Education Nationale.

Force est de constater qu’encore aujourd’hui les personnes souffrant de troubles autistiques manquent de prises en charge diversifiées et accessibles, que leur entourage est souvent confronté au manque de soutien, que les soignants ne disposent pas de moyens pour exercer leur mission et que cela devrait changer.

Nous sommes lucides de la tentation, souvent motivée par les enjeux économiques de la prise en charge du handicap, de détourner l’effort et le débat vers une mise en rivalité des patients et des soignants, voire vers l’ostracisme, qui risque de persister et prendre des formes diverses au fil de la vie sociale et politique du pays. Nous resterons pour cela vigilants et prêts à défendre des soins selon les méthodes scientifiques les mieux adaptées, accessibles à toutes et tous, dans le respect de la subjectivité de chaque patient et du libre choix de chaque famille.

Neuilly sur Marne, le jeudi 15 décembre 2016