Mediscoop 14/112/17 : « A Rennes, les soignants de l’hôpital psychiatrique en souffrance »

Cécile Bouanchaud note dans Le Monde que « depuis 6 semaines, des membres du personnel protestent contre la «dégradation des conditions d’accueil des patients» au centre hospitalier Guillaume-Régnier » à Rennes.
La journaliste observe que « dans cette structure hospitalière employant plus de 2000 personnes, «impossible de connaître le nombre de soignants en détresse», estime Jacques Meny, secrétaire du syndicat SUD-Santé pour l’établissement ».
Elle indique qu’« un jour d’octobre, alors qu’un énième membre du personnel était venu faire part de ses idées noires, l’organisation syndicale a décidé d’«agir avant un drame, plutôt qu’après». Et le 6 novembre, plus d’une centaine de salariés ont commencé une grève, qui a été reconduite mardi 12 décembre, marquant la sixième semaine d’un mouvement par ailleurs renouvelé quasiment chaque année ».
Cécile Bouanchaud remarque en effet : « Demandez au personnel soignant ce qu’il pense des conditions de soins du CHGR, il résume ainsi la situation : aucun ne souhaiterait que lui ou l’un de ses «proches soit accueilli dans l’établissement». Tous savent ce qu’il se passe derrière ces «blocs de mal-être» qui accueillent 30.000 patients chaque année ».
La journaliste souligne que « les salariés dénoncent la «dégradation» de leurs conditions de travail, avec des conséquences sur «la prise en charge des patients». Selon le personnel, la liste illustrant ce «délitement» est longue, et dramatiquement ordinaire au sein des hôpitaux psychiatriques. Des mouvements de grève semblables ont d’ailleurs émergé ces derniers mois ».
Cécile Bouanchaud relève que « quelque 1400 signalements d’événements indésirables liés à des dysfonctionnements (violences, manque de lits, sous-effectifs) ont été adressés à la direction en 2016, selon SUD-Santé. D’après [Cécile, infirmière], ces passages à l’acte récurrents sont une façon d’exprimer un mal-être, lié aux conditions d’accueil matérielles et humaines indigentes ».
« «Nous n’avons plus le temps pour l’écoute», fait-elle savoir, évoquant les heures consacrées à «la gestion à flux tendus des lits» dans un hôpital qui en compte 802, ainsi que 20 chambres d’isolement », poursuit la journaliste.
Cécile Bouanchaud souligne ainsi que « tous les soignants interrogés ont déjà été confrontés à des situations où leurs patients n’avaient qu’«un lit pour deux». Comprendre que les malades sont régulièrement délogés au profit d’autres dont le «cas est plus grave» ».
Marine, infirmière, remarque que « les patients ont besoin d’un cadre extrêmement rassurant et on leur inflige l’inverse », évoquant « une absence de parcours de soins cohérent ». De son côté, Sébastien, médecin psychiatre, observe que les patients « subissent ce que personne n’accepterait de subir. […] Des patients venus en premiers soins se retrouvent avec des malades grabataires » ».
« D’autres sont «contentionnés toute la nuit», faute de personnel suffisant pour les surveiller. Sans compter le recours quasi systématique aux camisoles chimiques, des neuroleptiques puissants, qui rendent les malades amorphes », ajoute Cécile Bouanchaud.
La journaliste note que « selon Sophie, psychologue à l’hôpital, de telles situations se rencontrent seulement dans des établissements où les patients sont vulnérables : «Ils ne se plaignent pas, alors on s’en fout qu’ils souffrent.» Le personnel, lui, entretient une culpabilité tenace face à cette «déshumanisation de la psychiatrie». Si les soignants rencontrés évoquent leur «volonté de faire au mieux», c’est toujours avant d’aborder cet idéal brisé», ce «sentiment de mal faire en permanence » et «de devoir s’excuser tout le temps» ».
« A cela s’ajoutent des difficultés endémiques dans le milieu de la santé publique, où les contrats précaires sont légion, et les salaires insuffisants : 1700 € net par mois pour Marine, infirmière depuis 13 ans, qui prend depuis peu des anxiolytiques pour dormir », relève Cécile Bouanchaud.
La journaliste indique en outre que « le directeur, Bernard Garin, qui n’a pas reçu les représentants syndicaux depuis le début du mouvement, assure que «la situation s’est améliorée» depuis un précédent mouvement de grève en 2013, qui avait permis l’ouverture de nouveaux lits. Selon lui, la solution passe surtout par «un suivi des malades en dehors de l’hôpital». M. Garin reconnaît toutefois que son établissement est bloqué dans un «carcan budgétaire» et espère que le ministère fera de la psychiatrie «une priorité en termes de moyens» ».
Cécile Bouanchaud rappelle que « la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a assuré qu’elle comptait lancer un «plan psychiatrie», et a débloqué 44 millions d’euros pour ces services, dont le budget est bloqué depuis des années. Le ministère assure que les détails de ce plan seront précisés en janvier 2018, ajoutant «être informé de la situation à l’hôpital de Rennes» ».

Date de publication : 14 Décembre 2017