Lettre ouverte à Mme Buzyn, ministre de la Santé : sans rancune et meilleurs vœux

L’USP ne peut que se réjouir des propos de Madame la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, en réaction au constat fait sur l’hôpital rapporté par APM news le 12 janvier 2018 : La nécessité d’« inventer un nouveau modèle de financement de l’hôpital » pour répondre au malaise exprimé notamment par les agents des établissements publics de santé. La ministre a promis que « des annonces vont être faites » afin que l’« hôpital public retrouve sa place dans le système de santé français », mais elle n’a donné aucun calendrier. Elle a estimé qu’« à cause des réformes successives qu’a connues l’hôpital depuis 15 ans, les soignants ont perdu le sens de leur mission et sont soumis à des pressions budgétaires sans qu’on leur explique le sens de leur travail, et je crois que c’est très très démoralisant ». Agnès Buzyn a souligné la nécessité de « transformer le modèle de financement de l’hôpital pour que ce ne soit pas uniquement un financement qui pousse à une activité démesurée ». Tout en regrettant qu’il ait fallu autant de souffrance au travail, de burn-out, voire de morts (suicide d’infirmiers et de médecins) depuis que la volonté de casse du service public, la transformation de celui-ci en entreprise au management agressif depuis Hôpital 2007 et sa T2A, puis renforcé par les lois Bachelot et Touraine. L’objectif essentiel de ces lois était de soumettre l’ensemble des personnels à des dictats productivistes et notamment des médecins au directeur lui-même soumis à l’ARS elle-même au ministère de la Santé, ce dernier étant soumis à Bercy pour garantir l’austérité… Le croisement et les strates « décisionnelles », dont la dernière est le GHT, ont favorisé la déresponsabilisation de tous. Tout cela ne pouvait qu’aboutir à une perte de sens et aux « dysfonctionnements performants » ! L’USP encourage à cet effet Mme la ministre à lire quelques motions et analyses de l’USP sur son site, notamment : Communiqué USP non à la loi HPST, Motion USP loi HPST mars 2009, Evaluation du rapport Vallancien réalisé par Claire Gekiere, Communiqué d’appel à la grève du 4 mai 2006. L’abrogation de ces lois est donc première étape indispensable! L’USP apporte à cet effet ses vœux de réussite à Mme la ministre et s’associe à la démarche, notamment pour la psychiatrie ! Pourtant, Madame Buzyn a choisi ses « représentants de la psychiatrie » et n’a pas invité l’Union Syndicale de la Psychiatrie à la réunion du 18 décembre au ministère. L’USP a pourtant recueilli près de 17 % des voix aux dernières élections à la commission de discipline, sans oublier sa représentation dans le privé ! Madame Buzyn s’est ainsi privée de nos remarques, notamment sur le budget de la psychiatrie où nous ne saurions nous contenter d’un simple dégel notamment partiel (comme si nous étions habitués à ce dépouillement annuel effectué par les ARS), voire total. Il s’agit pour nous de la définition d’un budget de la psychiatrie, mais surtout d’exiger l’abandon immédiat de toute référence à la VAP, valorisation à l’activité (communiqué Non à la VAP) qui provoque des dégâts plus importants encore que la T2A tant le travail en psychiatrie notamment celui de l’écoute, est incompatible avec ces orientations ! Il n’est pas rare dans ce contexte que des chefs de pôle encouragent leurs collaborateurs à réduire le temps d’une consultation ! Brasser de l’air pour faire du chiffre ! Et pourtant, en toute illégalité (puisque pour le moment une telle orientation n’a pas été prise), les ARS modulent les dotations en fonction de l’activité, cassant ainsi consciencieusement le dispositif de soin sectoriel ! L’USP n’aurait bien sûr pas manqué d’aborder la question sécuritaire ! Si, là encore, nous pouvons nous féliciter du positionnement de Mme la ministre en réaction aux propos qu’a tenu M. Collomb, ministre de l’Intérieur le 18 août 2017 (cf. notre communiqué Non à l’instrumentalisation sécuritaire de la psychiatrie), elle ne s’était toutefois pas émue de ceux du président de la République peu après. Une nouvelle fois, dans les suites de notre communiqué commun avec le SPH, Mme Buzyn s’est courageusement positionnée contre une probable nouvelle emprise du ministère de l’Intérieur sur les ARS, une nouvelle volonté d’instrumentalisation de la psychiatrie. De ce point de vue, M. Collomb fait beaucoup mieux que M. Sarkozy et à considérer la réaction des préfets lors de demandes de permissions de personnes hospitalisées sous contrainte, notamment en périodes de fêtes, il n’est pas évident que les ARS ne restent pas soumises à la dimension sécuritaire à l’encontre du soin! Nos vœux accompagneront donc aussi la volonté de Mme la ministre de remettre les ARS au service de la santé des citoyens sans discrimination ! Nous lui souhaitons plein succès dans la mise à distance du ministre de l’Intérieur et de sa capacité de nuisance ! Nous aurions aussi fait part de notre souhait de voir contrôler les velléités normatives de la HAS, particulièrement toxiques pour la psychiatrie, notamment au travers de l’interdiction du packing (Packing : non au défaut de soin programmé). L’existence de procédures et de l’accréditation ne sont pas des gages de bonnes pratiques au sens de pratiques apaisées respectueuses du sujet. M. Ruffin nous l’a rappelé à l’Assemblée et l’épisode de l’alerte du contrôleur des privations de liberté à propos du CP de l’AIN à Bourg-en-Bresse début 2016 avait montré un bel exemple… Mais, Mme la Ministre, tout cela est-il bien raisonnable, là où il semble que l’on ne vous laisse même pas les moyens de limiter la souffrance au travail dans votre propre ministère ? La volonté n’est-elle pas de soumettre un peu plus, d’affaiblir un peu plus le service public, de supprimer les statuts alors même que leur existence visait à garantir un peu d’indépendance et de limiter la corruption ? Si Madame la ministre, malgré toutes ces difficultés, maintient ce cap, alors nous lui renouvelons tous nos vœux de courage et de survie dans ce gouvernement ! Pascal Boissel, président Pierre Paresys, vice-président

Documents joints