En réponse aux déclarations de Madame la ministre

L’Union Syndicale de la Psychiatrie a pris acte des déclarations de la ministre de la Santé, Madame Buzyn, le 26 janvier. Nous prenons acte également du renforcement de la formation des médecins généralistes en psychiatrie, avec un stage obligatoire pendant la formation initiale et de celui des effectifs hospitalo-universitaires en pédopsychiatrie, mais exprimons ici notre déception, en regard des attentes des professionnels de la psychiatrie. Celle qui avait dénoncé les réformes successives depuis 15 ans et fait le constat d’échec d’un mode de financement qui génère dysfonctionnements performants, perte de sens et souffrance au travail, s’inscrit en continuité de ses prédécesseurs. La situation de la pédopsychiatrie, avec les délais d’attente pour les consultations de 6 mois à un an, n’en sera pas changée urgemment. La « consultation complexe de pédopsychiatrie pour les généralistes » vise-t-elle à pallier au manque de pédopsychiatres en institution comme en pratique privée avec des médecins généralistes formés à la va-vite ? Cela n’est-il pas une négation du savoir-faire professionnel des professionnel.le.s du champ ? Pour la pédopsychiatrie libérale, le paiement à l’acte, même revalorisé, ne finance pas le travail de liaison et de réseau minimum avec les services sociaux et l’école, là où le pédopsychiatre hospitalier peut comptabiliser ce temps. La ministre fait référence à des rapports parlementaires antérieurs, nombreux… dont elle ne dit rien. Pourtant, la relecture de ceux-ci et les constats de l’évolution du champ de la psychiatrie sont éloquents : c’est une évolution marquée par une désorganisation du service public, un manque criant de personnels, des équipes médicales et infirmières raréfiées et épuisées par un management autoritaire centralisé par les ARS sous la tutelle du ministère qui est le lot commun. Les seules ambitions des managers du service public, en psychiatrie comme ailleurs, est de faire des économies. Avec comme conséquences une souffrance au travail à tous les niveaux, comme cela est connu et reconnu. Nous réaffirmons notre opposition aux lois qui se sont accumulées depuis une quinzaine d’années, que nous avons dénoncées chacune en leur temps, et dans la continuité de laquelle la ministre s’inscrit avec volontarisme. Ce management autoritaire est étranger à la pratique clinique dont un des deniers avatars est la mise en place des GHT dont l’importance est réaffirmée par la ministre. Nous réaffirmons notre opposition à cette organisation bureaucratique, notamment pour la psychiatrie. Madame Buzyn a affirmé que le budget de la psychiatrie sera préservé. C’est une intention louable, mais totalement insuffisante ; c’est un budget en fonction des besoins des populations, soit nettement augmenté, que nous voulons. Et nous demandons l’abandon immédiat de toute référence à la VAP, valorisation à l’activité, qui provoque des dégâts tant le travail en psychiatrie qui est travail d’écoute et de parole, est incompatible avec elle. Le budget est prévu en fonction des « projets » établis localement et convenant à l’ARS. Soit une homogénéisation par le bas. Nous affirmons que le seul indicateur possible est celui des populations (nombre d’euros par habitants), en prenant en compte la dimension géo-démographique qui définit le secteur psychiatrique et, surtout en zones rurales, la question de l’accessibilité aux soins (transports publics). Et enfin, quid de la précarité ? C’est une vraie politique de solidarité sociale qui s’impose (répartition des richesses, développement de services publics accessibles à tous, 100 % Sécu pour tous (socle commun : notre santé en danger). Dans l’attente, le niveau local de précarité pourra être intégré dans le coût par habitant. Il est proposé que la Haute autorité de santé soit saisie pour « élaborer des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et des indicateurs de la qualité des soins en psychiatrie et en santé mentale ». Les recommandations de la HAS concernant le packing et les psychothérapies nous amènent à être circonspects, pour le moins. Et réduire le recours à l’isolement et à la contention se fait par une pratique clinique renouvelée, par des équipes de soins reconstituées et pas par des injonctions bureaucratiques. L’existence de « procédures » et de l’« accréditation » ne sont pas des gages de bonnes pratiques au sens de pratiques apaisées respectueuses du sujet. Nous pourrions nous réjouir de l’accent mis sur la recherche, mais une fois de plus la recherche clinique, au plus près des patients, est ignorée, au profit des seules neurosciences dont une cause aux troubles psychiques semble attendue par le ministère. Ce qui est un préjugé scientiste. Une formation à la psychiatrie des infirmiers en pratiques avancées est proposée. Non pas une année supplémentaire de spécialité pour les infirmiers en psychiatrie (comme les anesthésistes ou les puéricultrices), ce que nous proposons. Nous ajoutons que la formation des internes en médecine générale en psychiatrie (qui a commencé) doit se faire sur une base volontaire et non obligatoire, sinon nos internes en psychiatrie risquent d’être remplacés par des gens peu motivés. Est ignorée, encore et surtout, la politique de secteur, certes moribonde, qui n’est rappelée que pour mémoire par la ministre en fin de discours. Et pourtant, une politique de secteur renouvelée serait une orientation apte à revivifier notre champ professionnel qui devient sinistré. La politique de secteur (https://www.uspsy.fr/Secteur-motion-de-l-USP-issue-du.html), c’est une équipe pluri professionnelle qui doit pouvoir adapter une réponse en fonction de ces moyens et des besoins de la population de manière évolutive. Pour ce faire l’équipe doit pouvoir retrouver son indépendance et la possibilité d’une planification pluriannuelle par une gestion spécifique et le retour à une nomination nationale des chefs de secteur. Les indicateurs d’analyse et de contrôle de la pratique psychiatrique, dont nous ne nions pas la nécessité, doivent être totalement indépendants de la dotation budgétaire… c’est le contraire que propose Madame la ministre. Dans la liste des priorités de la ministre, nous notons : psychotraumatisme, lutte contre les comportements suicidaires. Très bien, mais cela devrait s’intégrer dans une clinique humaniste polyvalente, non pas comme apparaître comme des sous-spécialités multipliables à l’infini. Ce discours de la ministre nous apparaît en continuité de ces politiques que nous combattons depuis des années, négligeant la spécificité de notre discipline qui est écoute des singularités en souffrance. Pascal Boissel, président Pierre Paresys, vice-président Philippe Gasser, vice-président

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