Contention et isolement. Suite du débat

Deux réactions de militants de l’USP à la publication du texte de Thierry Najman sur ce site. Les voici ci-dessous. Le débat continue…

Gilles Barthe :

Je veux attirer l’attention sur une possible tentation d’interdire la contention au profit de l’isolement même si je ne pense pas que ce soit ce qu’ait voulu dire l’auteur.

J’ai pu lors de mon parcours dans le service public expérimenter deux services : l’un où il n’y avait pas de chambre d’isolement, mais où il y avait des contentions. Et l’autre où il y avait des chambres d’isolement et aussi des contentions dont je veux parler ici.

J’ai pu constater la grande facilité avec laquelle les chambres d’isolement étaient utilisées dans ce second cas. Et j’ai vu les conséquences que cela avait : des patients en état maniaque « bourrés » de traitements sédatifs pour les faire « redescendre » présentaient des hallucinations au bout de trois jours. Ils bénéficiaient de quatre courtes visites maximum par jour (…). On en venait à décider de la contention de certain patient qui, soumis à ce régime, avait voulu s’étrangler avec son pyjama en chambre d’isolement.

J’en suis donc parfois venu à regretter les contentions qui faisaient qu’un soignant, même seul venait quand même parler au patient dans sa chambre ! J’ai même pensé que la violence consistant pour un soignant à user de contention pouvait paradoxalement en limiter l’usage. Et qu’au contraire isoler un patient, c’était ne plus le voir ; c’était une solution de facilité.

Je crois donc qu’il ne faut surtout pas privilégier l’un ou l’autre des dispositifs, mais qu’il faut travailler la « ligne de crête » du questionnement de l’association patient/soignant et de tous les petits riens.

Jean-Pierre Martin :

La lecture de l’article de Thierry Najman m’amène à préciser que l’on ne doit pas accepter comme une évidence son idée de séparation entre isolement et contention comme impensé et péché originel de la psychiatrie.

Esquirol a certes prôné le traitement aliéniste par l’isolement. Ce fut établi par un enfermement institutionnel et par la mise en place de la contention comme outil de sa réalisation. En pratique concrète c’est bien cette logique d’ordre de sa « gouvernementalité » qui demeure, et non son impensé.

Najman remarque d’ailleurs avec justesse que les services qui pratiquent la psychothérapie relationnelle et institutionnelle ne pratiquent l’isolement que de façon exceptionnelle, quand la relation échoue à apaiser le symptôme. Ces services refusent d’ajouter la contention à l’isolement.

Cependant, il laisse de côté l’usage des médicaments comme contention. C’est bien d’une clinique du sujet et non de maîtrise du symptôme qui est à penser. Ce qui est impensé est cette atteinte symbolique à l’intégrité et à la dignité. Quelle que soit la forme d’isolement et de contention.

(…)Une dernière remarque est le titre de l’article : le péché originel de la psychiatrie, ouvre un débat différent de l’usage qu’il en fait de façon sans doute métaphorique.

En effet, le péché originel dans le christianisme est la désobéissance d’Adam à Dieu et non l’impensé de l’isolement et des stigmatisations. Il s’agit donc des rapports entre commandement et obéissance, subordination et insoumission. Je conseille la lecture de l’ouvrage de Frédéric Gros, Désobéir, pour aborder cette problématique.