Les « troubles neurodéveloppementaux » : analyse critique par Anne Delègue, pédopsychiatre, octobre 2019

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Avec une présentation de Pascale Rosenberg, pédopsychiatre, membre de l’USP :

Voici ce que j’ai commencé à retirer de ma lecture de l’article de Anne Delègue, je n’ai pas fini de l’étudier. Il est dense.
Tout d’abord, la première reconnaissance que je lui dois, c’est d’avoir dénoncé le coup d’état scientiste de cette circulaire/loi(?) sur la mise en place de plateformes d’orientations et de coordination pour le parcours de soin des enfants « AVEC TROUBLES DU NEURODEVELOPPEMENT », émanant du ministère de la santé le 22 novembre 2018. Derrière ce titre se cache un big bang de la nouvelle psychiatrie !

Anne Delègue a fait un formidable travail d’analyse, d’exégèse sur les orientations données par Fondamental &Co à la prise en charge des enfants. Elle met en relation les symptômes tels qu’ils ont été sélectionnés par les autorités PROFESSIONNELLES compétentes en psychiatrie de l’enfant dans les différentes classifications qui existent (CIM 10 et révision, DSM et différentes variations, CFTMEA) avec la nouvelle appellation PROMULGUEE PAR LE GOUVERNEMENT ACTUEL, « des troubles neurodéveloppementaux ». En arrière plan, elle relie ces classifications aux constatations cliniques et sur ce qu’elles nous ont enseigné depuis les débuts de la psychiatrie.

Elle s’appuie sur une bibliographie rigoureuse qu’elle cite aussi bien pour les textes de loi récents, circulaire, différentes classifications des troubles psychiques de l’enfant et leurs origines, que pour les ouvrages qui l’ont aidé à penser. Très intéressant pour aller plus loin.
On comprend grâce à cet article très précis et argumenté, en les nommant, les procédés avec lesquels on escamote 250 ans de recherches et d’élaboration théorico-clinique. Elle explique et démontre parfaitement l’incohérence du système qui nous est imposé; il se contredit lui même notamment lorsqu’il veut se référer au DSM.
Sa logique interne étant asémantique.

Sont dégagés ici les contradictions de ce néosystème fondé sur des mensonges extorqués à la « la science » pour désavouer les milieux scientifiques légitimes et compétents en la matière. Ceux qui ont enseigné jusqu’ici les leçons de leur expérience, notamment en ce qui concerne la santé mentale infante-juvénile depuis le fin de la dernière guerre mais aussi antérieurement. On sent ainsi la volonté d’attaquer « incognito » la psychiatrie adulte derrière l’abolition des acquis de la psychiatrie de l’enfant.
Anne Delègue montre absolument comment les fameuses références à La SCIENCE dont se targue l’entité neuro développementale se caractérisent par une absence flagrante de sémantique, d’où la perte de sens de la démarche thérapeutique quelle qu’elle soit.
Outre le fait que ces nouvelles consignes expurgent la sémiologie de toute possibilité d’entendre ce que chaque enfant et ses parents ont à dire des symptômes et signes qu’ils montrent, elles arrachent le thérapeute de sa place pour le conduire à exécuter des ordres d’administration de « soins ». On comprend comment elles le privent de sa capacité de penser le patient en ne lui laissant pas d’autre choix que de réciter des litanies conforme à un CODE . Il lui est absolument impossible dans ces conditions de s’appuyer sur le discours du patient sur sa PROPRE souffrance ; pire encore le praticien DOIT se boucher les oreilles pour pouvoir appliquer ce que le pouvoir lui dicte.

Ce qui est appelé développement vient à la place de construction de la personne. Il exclue donc la dimension de personnalité. Tout commentaire sur l’advenue de la subjectivité de la personne humaine est rapporté à une explication mécaniste. C’est à dire qu’il n’est plus nécessaire de définir la psychologie encore moins de s’y intéresser. Ça n’EXISTE PAS ! L’enfant est donc assigné à ce que l’on voit de lui et ce qu’on en qualifiera au regard ce que ce code aura proféré : C’est son IDENTITE, définitive !

Le problème bien mis en évidence, n’est pas tant de rapporter les symptômes à un registre neuro-développemental que la réduction qu’elle impose implicitement en faisant disparaître toute la complexité d’un trouble et de son approche. Cela entraîne du même coup le fait que l’accès aux diverses possibilités d’approcher et donc de traiter ces troubles est purement scotomisé, confisqué et passé aux ordures. Ce sont les effets ipse facto de ce discours dans sa logique intrinsèque, délibérément arbitraire !!!
La base de celui-ci, mise en évidence par Anne Delègue, c’est le fameux langage performatif réduit à sa plus simple expression : il suffit de le dire pour que la chose advienne! Il suffit de le croire pour que cela soit vrai ! Et vive le pouvoir par la Croyance et l’Inquisition !
On pensait être sorti de la religion ? Mais que nenni ! La voilà revenue par la fenêtre et bien installée !!!

La logique de ces commentaires se réclamant d’une vérité scientifique repose en réalité sur un pré-supposé faux, un mensonge énoncé par la toute puissance de ses auteurs, à partir duquel peut alors se déployer une théorie. Le comble de cette élucubration, et ce que Anne Delègue réussit à mettre en évidence, c’est que cette théorie ne réussit même pas être en accord avec ce qui la fonde. C’est à dire qu’elle réussit le prodige de ne pas réussir à être conforme à sa propre science !!
Que dire d’un principe politique qui désavoue sans aucune retenue, sans aucune contradiction possible même pas en son sein, les fondements scientifiques de ses institutions en instaurant comme légitime un système qui assène des principes ex-nihilo ? On voit alors très bien comment ce système dès lors qu’il a été validé et encouragé par les plus hautes instances de l’état va fatalement déborder sur toute la psychiatrie, la médecine et même la recherche scientifique dans son ensemble.

Il ne s’agit plus pour l’heure de « chercher » mais de contrôler absolument.
Les avancées de la recherche en psychiatrie acquises tant bien que mal durant ces 231 années qui nous séparent de la naissance de la psychiatrie depuis la révolution de 1789 se retrouvent condamnées à l’autodafé, d’un simple trait de plume !
Il faut bien comprendre que ce qui est imposé là à la psychiatrie de l’enfant aura des conséquences dans tous les champs sociaux et politiques. Cela implique forcément un asservissement de toutes les institutions et de tous les acteurs de la société: à commencer par les parents eux mêmes.

Voilà un début de réflexion qu’une première approche de ce texte m’a suggérée. C’est dire comme ce dernier ouvre un débat crucial à partir ce hold up gouvernemental. FONDaMental : dans tous les sens que ce mot implique. Les fondamentaux sont attaqués et la privation de la possibilité de penser sur soi sont les piliers qui permettront au pouvoir de s’imposer dans toutes les consciences.

Pascale Rosenberg