L’USP répond à la députée Martine Wonner qui demande l’interdiction de la psychanalyse

En réponse au courrier de Mme Wonner reçu le 13 décembre et que nous publions sur ce site.


Madame la députée,

Je réponds à votre courrier daté du 13 décembre qui était adressé au secrétariat de notre syndicat avec pour objet « Psychanalyse et santé mentale : pour le respect de la santé publique et l’accès aux soins pour tous ! ». Vous y répondiez au courrier – que vous ne citez pas – qui fut adressé au président de votre groupe parlementaire par un groupe de onze personnes[[https://www.uspsy.fr/Madame-Wonner-deputee-de-LREM-et.html]], dont moi-même.

Ce groupe s’est constitué à la suite du succès de la pétition : http://chng.it/VsrmkfJjjX qui a rassemblé plus de 32 000 signataires. Nous avons écrit au président de votre groupe parlementaire: « (…)notre étonnement quant à l’engagement d’une députée LREM en faveur d’un groupe de pression réclamant que soient exclus des tribunaux, des hôpitaux et des universités la totalité des psychiatres et des psychologues se référant à la psychanalyse.[[https://www.justicesanspsychanalyse.com)]] »

Nous avons, bien sûr, communiqué votre courrier aux autres rédacteurs de cette lettre, aux universitaires du SIUEERPP et à nos amis du Collectif des 39 en particulier. Une réponse collective ne va pas manquer d’être écrite et publiée bientôt.

Dans la pétition que vous vous flattez d’avoir signée en tant que députée, il est écrit: « le refus de nombre de psychanalystes de poser un diagnostic, l’ignorance volontaire des symptômes, la chosification et la maltraitance des patients et leur famille au nom de dogmes psychosexuels freudo-lacaniens obsolètes sont monnaie courante aujourd’hui. Le traitement de ces personnes comme des patients de « seconde zone » n’est plus tolérable en France. ».

En tant que députée, ayant un diplôme de psychiatre, vous accusez ainsi « nombre de psychanalystes » d’être maltraitants, vous emboîtez le pas de Sophie Robert, cinéaste, qui mène une campagne au long cours pour interdire la psychanalyse, dans les tribunaux, dans les universités, dans les lieux de soin ; bref, partout. Vous l’approuvez, vous signez son appel. Puisque vous vous prononcez pour une véritable interdiction professionnelle, au-delà des obscurs co-signataires de la pétition de madame Robert, il est urgent pour nous de vous dire qu’au nom de « l’évaluation », vous êtes l’ennemie des valeurs que nous défendons, psychanalystes ou pas.

Par ailleurs, pourrions-nous savoir, chère consœur, quelles expériences de votre ancien métier de psychiatre vous ont amenée à une telle prise de position ? Au-delà du parti pris idéologique des forcené.e.s de l’évaluation qui agissent dans les télécommunications comme dans la santé, il est possible que vous ayez des arguments à nous apporter.

Vous dites ensuite dans votre courrier que vous avez reçu « tous les syndicats, personnels soignants, de toutes les écoles de pensées de la santé mentale ». L’USP a en effet été reçue, avec les autres syndicats de psychiatres, mais c’était par une commission parlementaire à laquelle participait notamment Caroline Fiat et non par vous seule. Nous avons été reçus par cette commission parlementaire et à la lecture de votre travail nous avons su que nous n’avions pas été entendus.

A ce propos, nous avons publié deux communiqués :
Un le 19 septembre[[https://www.uspsy.fr/Qui-est-responsable-de-la.html]] « (…)Ce rapport cite Bonnafé et salue le Printemps de la psychiatrie. Fort bien, mais le Printemps de la psychiatrie désigne ses adversaires : les capitalistes de l’hospitalisation privée, ceux de l’industrie pharmaceutique, les idéologues de la fondation FondaMental, et leurs amis, alliés, et mercenaires. C’est pour cela que nous sommes présents dans ce mouvement aux côtés de beaucoup d’autres. Et nous ne ferons pas de consensus avec ces adversaires : mille conférences et rapports n’y changeraient rien.
(…)Dans le résumé de ce rapport, nous lisons : « la psychiatrie de secteur a pu freiner le développement d’une expertise plus spécialisée indispensable pour certains patients ». La formule vient annuler l’hommage classique à Bonnafé : la sectorisation aurait empêché le développement d’une pensée acérée. Mensonge et manipulation.(…) »
Le 30 septembre nous diffusions un second communiqué[[https://www.uspsy.fr/Selon-les-parlementaires-la.html]] : « (…) L’USP ne peut cautionner l’imposture qui consiste à mettre en exergue des déclarations parlementaires les « droits des patients » alors que ceux-ci sont régulièrement bafoués par les restrictions d’accès aux soins de proximité, les obligations de soins « à durée indéterminée » et les « mesures exceptionnelles » qui deviennent la règle, par facilité et surtout par manque de moyens humains et de formations adaptées pour les soignants (Hospitalisations sur le mode du péril imminent, mesures d’isolement, de contention etc.(…) »

Écouter et ne pas tenir compte de ce que dit l’interlocuteur ou l’interlocutrice est une façon de faire qui est commune aux ministres du gouvernement, imitant le président Macron que vous soutenez. De nos rencontres, nous avons retenu que vous partagiez cette « méthode ». Vous dites que « votre porte reste ouverte à ceux qui sont ouverts au dialogue » ; sachez que nous rencontrerons très volontiers des parlementaires avec lesquels un échange fructueux serait possible, ainsi que nous l’avons déjà fait dans le passé. Nous ne sollicitons donc pas d’entrevue auprès de vous. De même, la Coordination inter urgences ne sollicite plus d’entrevue auprès de madame Buzyn et demande à rencontrer le Premier ministre.

Au-delà de toutes les critiques ci-dessus que nous avons opposées à ce rapport parlementaire auquel vous avez contribué, nous notons qu’il n’y a pas dans celui-ci d’attaque contre les psychanalystes telle que celle que vous vous félicitez d’avoir contre-signée. Nous constatons ainsi votre démarche en deux temps : dans un rapport parlementaire se référer à Bonnafé et au pluralisme des références théoriques et pratiques, puis quelques semaines plus tard demander l’interdiction de la psychanalyse dans une pétition. Est-ce vraiment une manœuvre habile ?

Cordialement,

Pour l’USP,
Pascal Boissel