Une lettre de notre collègue Claude Schauder en défense de la psychanalyse

A propos de l’article du Canard enchainé de cette semaine : « Les propos complètement inconscients de Dolto »


Cher Canard,

C’est un peu dommage que vous ayez jugé bon de « surfer sur la vague » de la condamnation unanime et légitime de M. G. Matzneff en reprenant à votre compte ce vieux procès fait et refait à Dolto au sujet de certaines des phrases tirées d’une de ses interviews et qu’on retrouve dans L’enfant, le juge et le psychanalyste, ouvrage paru en 1999 et qu’elle n’avait pas relu (elle était morte depuis 11 ans !). Regroupées, tronquées et extraites de la sorte de leur contexte, les réponses qu’elle donne à certaines des questions posées peuvent sans doute prêter à confusion pour qui ignore qu’elles portent sur certains des processus psychiques et sur des désirs inconscients à l’œuvre chez l’enfant. Laisser entendre que pour elle l’enfant est responsable de cette libido (dont elle a su parler et dont elle a permit qu’elle soit reconnue et respectée) relève d’un grave contre sens dont les conséquences peuvent être dramatiques.
Vous rappelez d’ailleurs à juste titre qu’en 1977 Dolto avait condamné avec la plus grande fermeté l’initiation sexuelle des enfants et des adolescents par les adultes et les traumatismes que ces actes entrainaient.
Qui connait son œuvre, ne serait-ce que superficiellement, sait ce que Dolto a pu apporter aux enfants d’hier et …d’aujourd’hui et combien étaient loin de ses pensées ce dont certains l’accusent ici.

Notons à propos de ces accusations injustes et perfides qu’elle comme d’autres psychanalystes sont actuellement l’objet que celles-ci posent des questions à notre société sur lesquelles je voudrais attirer votre attention et qui devraient intéresser vos lecteurs préoccupés par l’avenir de notre démocratie : de quoi la position du parti des REM à propos de l’interdiction faite aux psychanalystes d’exercer, aussi bien en tant que soignant dans les hôpitaux, comme expert dans tribunaux et comme enseignant dans les universités, que certains d’entre eux réclament à corps et à cris, est-elle la préfiguration ?
De quoi ces « Berufsverboten » (interdiction d’exercer une profession) de sinistre mémoire, que ceux-ci appellent de leurs vœux sont-elles le nom et que nous annoncent-elles en matière de « normalisation » des champs de l’enseignement, de la recherche, du droit et de la santé ?
Et puis, comment interpréter le refus du président du Groupe parlementaire des REM de désavouer les propos de la députée de la 4e circonscription de Strasbourg, Mme Wonner, qui signe des pétitions pleine de violence exigeant ces exclusions et qui les justifie en se réclamant indument de la science là où il n’y a que scientisme, racontars et malveillance ?

Voilà les questions auxquelles je vous suggère, Cher Canard, de vous intéresser à présent, ne serait-ce que pour ne pas être soupçonné de hurler avec les loups de la pensée unique et de la haine de l’autre qui ne détestent rien autant que ce que représente la psychanalyse.

C’est en tous cas dans cette perspective que je vous fais suivre, Cher Canard, en pj de la présente, les courriers que nous avons fait parvenir à M. G. Le Gendre et restés à ce jour sans réponse.

Je me tiens, bien évidement à votre disposition pour d’autres informations et vous adresse mes biens sincères salutations,

Claude SCHAUDER
Président de l’Association Lire Dolto aujourd’hui