Où l’on voit que des bureaucrates dictatoriaux peuvent être mis en difficulté

Les CMPP furent sommés de changer toutes leurs pratiques par la direction de l’ARS de Nouvelle-Aquitaine. Quatre épisodes récents de cette lutte en cours sont retranscrits ici : la question du député Hammouche et la réponse du ministre, puis une rencontre d’associations avec le secrétaire d’Etat, ensuite une adresse de médecins au Conseil de l’Ordre des médecins, enfin la démission d’un dirigeant de l’ARS. 1. A l’Assemblée nationale M. Brahim Hammouche est un député de la majorité LREM, psychiatre de formation. A l’Assemblée nationale, dans une question écrite au ministre de la Santé, il attira son attention sur « l’évolution surprenante des missions du centre médico-psychopédagogique (CMPP) de la Nouvelle-Aquitaine, telles qu’elles figurent dans le cahier des charges qui a été rédigé récemment par l’Agence régionale de santé de la Nouvelle-Aquitaine ». Voici ce qu’il écrivait, qui était en écho fidèle des inquiétudes de nombre des salarié.e.s des CMMP de cette région, texte qui mérite d’être largement retranscrit : « Ce cahier des charges pose ainsi un certain nombre de problèmes tant sur le fond que sur la forme. Il est regrettable en effet que les professionnels travaillant dans les CMPP n’aient a priori pas été consultés avant leur rédaction et que leur mise en œuvre ait été fixée dans des délais très courts.(…) Certaines interrogations demeurent par exemple quant à l’injonction qui est faite de ne plus prendre en charge certains enfants et leurs familles dont les pathologies du comportement et des troubles émotionnels ou névrotiques sont qualifiées de « légères ».(…) L’existence aussi d’une dichotomie entre les troubles du neuro-développement (TND) et les autres pathologies, assortie de surcroît de l’attribution de la plupart des moyens financiers aux TND, interpelle. Il est en effet précisé que la majorité des enfants qui seront suivis devront relever des TND. Aussi, on est en droit de s’interroger sur l’avenir de ceux qui ont également besoin d’une prise en charge au sein des CMPP et qui ne sont pas atteints par ces troubles. Qu’est-il prévu pour eux ? (…) Enfin, il est regrettable que ce cahier des charges oublie la dimension relationnelle de la clinique et aille même jusqu’à réduire les éléments psycho-pathologiques, particulièrement lors de troubles neuro-développementaux, à des facteurs annexes modulateurs. Cette orientation risque de ne pas reconnaître, à hauteur humaine, la souffrance dans laquelle sont plongés ces patients, alors qu’il est nécessaire d’assurer une prise en charge ouverte à des pratiques pluridisciplinaires intégratives des données scientifiques et des expériences de terrain, à la hauteur des enjeux et des besoins et à l’écoute de toutes les souffrances psychiques, sans restriction ni réduction. Monsieur Hammouche lui demande dès lors si des actions concrètes seront menées « auprès de l’Agence régionale de santé de la Nouvelle-Aquitaine afin que ce cahier des charges soit remanié dans l’objectif non pas de repositionner, mais de recentrer et de renforcer les CMPP sur leurs missions originelles, sans restriction ni exclusion des enfants souffrant de troubles psychoaffectifs, et d’assurer une prise en charge globale centrée sur les patients, ajustée à leurs caractéristiques évolutives personnelles et contextualisée à l’environnement de vie socio-familial et scolaire. » 1 bis – Voici le texte de la réponse du ministre datée 24 novembre 2020 : « Le rôle fondamental des centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) et des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) dans le parcours des enfants et adolescents concernés et son évolution au regard, notamment, des différentes mesures décidées dans le cadre de la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement et de la feuille de route en santé mentale et psychiatrie, constituent un sujet qui retient toute l’attention du gouvernement. L’objectif de la rénovation de ces lieux de santé de proximité, accueillant des publics parfois vulnérables, en quête d’une réponse à la fois rapide et la plus adaptée possible aux besoins des enfants et ce, quels que soient la pathologie ou les troubles ne peut être que partagé. Les cahiers des charges constituent un outil des Agences régionales de santé pour orienter la stratégie régionale sur une thématique ou un dispositif spécifique. Ils permettent de solliciter et associer les acteurs de terrain à la mise en œuvre de cette stratégie, ils ne constituent pas une norme d’autorisation. La mise en œuvre de ces orientations doit s’appuyer sur un travail partenarial approfondi à la lumière des réflexions relatives à l’évolution des CAMSP et CMPP dans lesquelles s’investissent nombre d’acteurs aux compétences et connaissances complémentaires. » Cette brève réponse du ministre de la Santé peut apparaître comme un désaveu de l’ARS puisqu’il est dit qu’un cahier des charges ne saurait être une norme d’autorisation. On peut en déduire que, selon le ministère, ce cahier des charges doit être réécrit sur la base d’un travail associant les professionnels de terrain des CMPP et de la pédopsychiatrie, leurs partenaires et les familles des patients. On peut le penser, mais cela reste à confirmer. 2. Peu après, le 26 novembre, eut lieu une rencontre avec le secrétariat d’État à l’enfance et aux familles à laquelle participaient des associations de famille (Unafam, RAAHP, CAP) l’AFPEN (psychologues de l’éducation nationale) la Fédération des Centres médico-psycho-pédagogiques, et la Fédération française de psychiatrie, toujours à propos de ce fameux et honteux « cahier des charges ». Tous ont insisté sur la « discrimination entre patients pris en charge par les CMPP en privilégiant ceux faisant l’objet d’un trouble du neuro-développement – TND – dont les autistes et en écartant les autres patients qualifiés de « cas légers » et renvoyés à d’autres prises en charge. D’autre part, parce que la méthode utilisée par l’ARS a été d’imposer ce cahier des charges sans concertation avec les parties concernées – professionnels et parents – et en menaçant de sanction financière les CMPP qui ne s’y soumettraient pas. » « (…)notre délégation a reçu les positions suivantes du secrétariat d’État : – La procédure qui a présidé à la parution du cahier des charges de Nouvelle Aquitaine ne correspond pas à la politique de concertation du gouvernement en matière de politique de santé. Celle-ci vise à expliquer les orientations souhaitées par les pouvoirs publics. Et que notamment en matière de pédopsychiatrie, l’insuffisance des moyens rend la coordination des interventions indispensable. – Le gouvernement préconise la mise en place d’un « dispositif partenarial de suivi » des mesures prises par les CMPP dans le cadre de leur réponse au cahier des charges. – Enfin le secrétariat d’État a proposé à la délégation de poursuivre les échanges sur la Nouvelle-Aquitaine et ensuite des échanges réguliers sur les sujets d’intérêt commun. 3. Par ailleurs une interpellation du président du Conseil national de l’Ordre des médecins a été faite le 1er décembre quant à l’atteinte aux libertés de choix thérapeutique, de pratique médicale, de prescription portée par ce « cahier des charges » : « Nous sollicitons votre avis déontologique et juridique concernant le cahier des charges régional des Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), rédigé par l’ARS de Nouvelle Aquitaine (N.A) (…). L’exigence de l’ARS. N.A. amènerait à ce que les CMPP et ses médecins réduisent leurs champs de compétences pour ne pratiquer que dans le seul registre pathologique des « TND » (Troubles du neuro-développement, tels que définis dans le DSM-5). En conséquence, la discrimination du public accueilli serait manifeste, de par la sélection de certains enfants en difficulté, aux dépens d’autres tout autant nécessiteux. Les médecins seraient en porte à faux dans leurs responsabilités et qui plus est, la liberté de leur choix thérapeutique serait remise en cause. (…) La liberté de pratique médicale et de prescription serait ainsi soumise à un régime de contraintes, l’expertise du médecin devant se soumettre aux seules hypothèses neuro-développementales – écrasant la complexité clinique individuelle et environnementale comme la dimension globale de la personne – qui sont loin de faire consensus dans la profession. Selon le Code de déontologie médicale, le médecin, quel que soit son lieu de travail, doit garder sa liberté de pratique et sa responsabilité de prescription. Le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit (article R4127-5 du CSP). Or, vous le constaterez, le Code de déontologie médicale n’est pas respecté dans ce cahier des charges rédigé par l’ARS Nouvelle Aquitaine, d’où notre demande explicite de votre intervention au niveau national pour la défense du soin médical dans toute sa diversité. Enfin, les CMPP sont régis par un texte fondateur, l’Annexe XXXII, qui se voit dénoncé par la rédaction non concertée de ce cahier des charges. Dr C. de Sobry, Dr M. Jurus, Dr P. Belamich, Dr C. Libert, Dr J. Chambry, FFP, AFPEP SNPP, FDCMPP, API, SFPEADA, Collège de pédopsychiatrie » 4. Nous apprenons avec satisfaction, le 15 décembre 2020, par la FDCMPP la démission de Saïd Acef, directeur de l’autonomie de l’ARS en Nouvelle-Aquitaine, qui fut le promoteur d’un projet visant à transformer les CMPP en des plateformes diagnostics réservées aux enfants cliniquement « trouble-neuro-développementaux – TND », ou « trouble de spectre autistique –TSA », exerçant un tri préjudiciable des patients. Nous nous réjouissons sur deux points : Par son engagement et son action, le député Hammouche a montré la possibilité de retour à un pouvoir législatif contrebalançant un hyper pouvoir exécutif, lequel s’appuie sur des technocrates déconnectés de la réalité du terrain. L’union des forces vives que sont les acteurs de terrain, qu’ils soient des usagers, leur famille, et les professionnels concernés, a permis de faire valoir leurs savoirs et leurs besoins et de peser dans l’orientation de la politique de santé des CMPP. La lutte continue car le cahier des charges des CMPP n’a pas été retiré et d’autres combats s’imposent en s’intensifiant. Pour l’USP Pascal Boissel, vice-président Patrick Chemla, membre de l’USP Dominique Terres, membre du CN Delphine Glachant, présidente

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