Sommes-nous des obligés ?

L’USP s’inquiète des réticences persistantes à l’obligation vaccinale. Or, la balance bénéfice-risque des vaccins contre la Covid-19 est favorable en termes de prévention des formes sévères de la maladie, mais aussi de la transmission du virus. Objectivement, la vaccination généralisée pour une immunité collective s’impose comme obligation solidaire à l’ensemble de la population et aux peuples du monde, aux soignant.es en premier lieu.

La défiance persistante envers ces vaccins rejoint celle envers les institutions et les expériences vécues lors de la grippe H1N1 des années 2010. Le récent « Ségur de la santé » a été un déni massif des sacrifices consentis par toutes les catégories de soignants, il entraîne démissions et rebellions dans cette crise sanitaire interminable qui a épuisé beaucoup de soignants de toutes catégories.

L’essentiel des mesures annoncées le 12 juillet par Macron pour garantir l’adhésion vaccinale en France passe par la contrainte. Nous nous opposons à cette façon de faire, venant de ce pouvoir qui a montré tant d’incapacité en la matière. Menacer certains soignants de mise à pied est en particulier scandaleux. La répression touche déjà des lanceurs d’alerte, des syndicalistes indociles, maintenant elle viserait aussi des soignants non compliants à la vaccination.

Au contraire, c’est par la poursuite d’une mobilisation service par service, par un travail de conviction, que nous ferons en sorte que nos collègues se fassent vacciner au plus vite. Car cette lutte pour la vaccination générale n’est pas qu’un problème individuel ou doctrinal, mais un enjeu politique global, la vaccination n’est pas une option, mais un enjeu de santé publique ! 

Nous associons cette lutte à celle pour la levée des brevets sur les vaccins. La lutte contre la pandémie se mène au niveau international, le virus ne connaît pas de frontières. La pandémie, depuis un an et demi, a fait plus de quatre millions de morts, en particulier dans les pays du Sud où le taux de vaccination est dérisoirement faible. Et la situation au Brésil, en Inde, en Tunisie, en Afrique du sud est gravissime, moins de 2 % des personnes vivant en Afrique sont vaccinées. C’est un véritable apartheid vaccinal.

Le Conseil national de l’USP

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Tribune

Sommes-nous des obligés ?

L’USP s’inquiète des réticences persistantes à la vaccination, même si la vaccination connaît un nouveau souffle.

Reprenons les choses

La balance bénéfice-risque des vaccins contre la Covid-19 est extrêmement favorable. Ils sont bien tolérés, ils préviennent efficacement les formes sévères de la maladie. Tous les vaccins contre la Covid-19 empêchent la transmission du virus à hauteur de 90 %. Les vaccins à ARNm, préviennent toute infection par le SARS-CoV-2. Les études scientifiques et le suivi de pharmacovigilance confirment aujourd’hui que le vaccin est efficace pour éviter de déclencher une forme grave de la Covid, limiter fortement les formes plus modérées et leurs éventuelles conséquences (syndrome post-Covid), ainsi que pour diminuer le risque de transmission du virus. Elles confirment aussi que le vaccin est fiable et sûr.

Depuis quelques semaines, le variant Delta, apparu en Inde, plus contagieux (R0 estimé à 4), s’installe au niveau mondial comme au niveau national. Cette progression du variant Delta, rend encore plus urgente l’élargissement de la couverture vaccinale.

Répétons-le : la solution pour éviter une nouvelle vague de cette maladie existe. Cette fois, elle est à disposition dans notre pays et nous savons quelle est cette solution : c’est la vaccination.

Soulignons aussi que les individus qui présentent des facteurs de risque face au virus (les patients très âgés ou les patients immunodéprimés par exemple, notamment les cancéreux du fait de leur traitement) répondent moins bien au vaccin. Pour ces patients ou personnes âgées fragiles, la vaccination de celles et ceux qui les entourent et qui les assistent – et donc des soignant.e.s en premier lieu, mais pas seulement – répond à une prophylaxie qui est indispensable pour éviter leur contamination avec ses conséquences tragiques.

Il est irréfutable que la vaccination de tous permettrait de limiter, si ce n’est la survenue d’une quatrième vague, tout au moins son intensité, sa durée et son impact économique et social.

Dans ce contexte, le principe médical fondamental de « ne pas nuire » s’applique pour les soignants de toutes catégories sous la forme de la nécessité de se faire vacciner, le soignant non vacciné pouvant être plus nuisible que bénéfique. Alors oui, tous les soignants, où qu’ils exercent, doivent se faire vacciner.

Cette obligation morale s’impose à l’ensemble de la population et non aux seuls soignants, et d’ailleurs à l’ensemble des peuples du monde. Sinon le virus continuera à muter, sans que la pandémie ne s’arrête.

Or les chiffres récents (avant les vaccinations prévues ces derniers jours) étaient inquiétants : selon la Fédération Hospitalière de France, la vaccination des soignants plafonnait à 64 % à l’hôpital et à 57 % dans les Ehpad. A l’AP-HP, 91 % des médecins mais seulement 51 % des infirmier.es et aides soignant.es étaient vaccinés. La Fédération française de psychiatrie (communiqué du 2 juillet) s’alarmait : « Les patients atteints de maladies psychiatriques chroniques sont à risque accru de formes graves de Covid-19 et de décès en cas d’infection par le SARS-CoV-2. Les statistiques de taux de vaccination par pathologies mises à disposition par l’Assurance maladie montrent que le taux de vaccination des patients atteints de troubles psychiatriques ayant débuté dans l’enfance est faible. Au 27 juin, seulement 51,5 % de ces patients avaient reçu une dose de vaccin contre la Covid-19, et 31,5 % avaient reçu toutes les doses nécessaires ».

Les inégalités territoriales, générationnelles et sociales sont prouvées. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, seuls 26 % des citoyens ont un parcours vaccinal complet alors que ce département a été particulièrement affecté par cette maladie, il y a une correspondance entre la couverture vaccinale et le niveau de vie.

Nous l’affirmons avec force : cette lutte pour la vaccination générale n’est pas qu’un problème individuel ou doctrinal, mais un enjeu politique global. La vaccination n’est pas une option, mais un enjeu de santé publique !

La lutte contre cette épidémie est une lutte collective, ce n’est pas la soumission aux décisions contradictoires et solitaires du président de la République.

Car qui n’a pas vécu quelque exemple de l’incurie de ce président, de ce ministre, omniprésents et incapables ? Les plages de vaccinations disponibles varient selon les départements et même selon les périodes. Soudainement, ici et là, les plages de disponibilités ont été réduites volontairement par crainte de pénurie. A Paris, certains qui au début de l’année souhaitaient se faire vacciner et étaient prioritaires, se sont fait refouler. Pendant des mois, il fallait se connecter plusieurs fois par jour à guetter une place pour des proches sur le site de Doctolib, l’entreprise privée à laquelle le gouvernement a confié toute la responsabilité de ces rendez-vous médicaux. Les patients de Seine Saint-Denis ont pu théoriquement accéder à la vaccination mais se sont souvent découragés devant les difficultés logistiques, les parisiens les plus aguerris venant prendre leur place.

La défiance envers ces vaccins

La responsabilité du gouvernement, du ministre de la Santé, du président sont écrasantes dans le développement de cette défiance. Ils ont menti lors de la première vague de la pandémie. Puis ils ont sciemment négligé la question des inégalités d’accès à la vaccination qui, si elle avait été traitée, aurait entraîné une priorisation sociale dans le déploiement de la politique vaccinale, comme le note le collectif Nos services publics. « À la différence des facteurs de risques médicaux, les facteurs de risque sociaux n’ont pas constitué un objectif prioritaire de la stratégie alors que l’importance des facteurs de fragilité sociale, notamment dans le risque d’hospitalisation de forme grave de Covid-19 et le taux de mortalité, est largement documentée depuis l’été 2020. » Les personnes pauvres, les malades et personnes âgées isolés devraient faire l’objet d’une campagne spécifique et ciblée, ce que ce gouvernement n’organise pas.

Au lendemain des annonces bâclées de Macron, on s’interroge sur les moyens qui vont être concrètement mis en œuvre pour que toute la population ait un accès égal au vaccin, pour que les vaccinodromes fonctionnent sans rupture de stock.

Il existe quasi nécessairement une méfiance assez généralisée vis-à-vis des institutions, et d’abord parmi les catégories sociales les plus défavorisées socialement. Chez les soignants, cette méfiance justifiée se tourne aussi contre le management, contre les tutelles qui durant cette crise ont multiplié les incohérences et ont agi de façon autoritaire, laissant chacun dans un isolement, avec le sentiment de perte de sens de son métier. Mais cette méfiance s’étend au-delà, malheureusement.

La formule qui revient souvent, nous semble-t-il, est : « Je ne suis pas contre la vaccination mais je n’ai pas confiance ! ». Sans doute faudrait-il mettre cette défiance en rapport avec celle qui touche la démocratie représentative, les élections.

Alors, bien évidemment, il serait « injuste aujourd’hui de montrer les soignants du doigt en doutant de leur conscience professionnelle », alors que le récent « Ségur de la santé », a clairement été une trahison et un déni massif des sacrifices consentis. Certes, cette crise sanitaire interminable a épuisé beaucoup de soignants de toutes catégories, alors que la politique de démantèlement, de destruction du service public de santé n’a jamais cessé. Ce cynisme des sphères dirigeantes est insupportable, ces politiques autoritaires, hypercentralisées, cette gestion inefficace de l’urgence sanitaire, tout cela a exaspéré nombre d’entre nous.

Tout cela étant bien posé, il n’en demeure pas moins que la ressource vaccinale est aujourd’hui la clé de la lutte contre une pandémie mondiale dont les effets sont toujours dévastateurs. Il serait absurde de considérer le consentement à la vaccination générale comme un référendum pour ou contre Macron.

Pour la levée des brevets sur les vaccins

La lutte contre la pandémie se mène au niveau international, le virus ne connaît pas de frontières. Aussi participons-nous à la mesure de nos forces à la campagne pour la levée des brevets sur les vaccins. La pandémie, depuis un an et demi, a fait des millions de morts, en particulier dans les pays du Sud où le taux de vaccination est dérisoirement faible. C’est pour ces pays d’abord que nous réclamons la levée des brevets. Et la situation au Brésil en Inde, en Tunisie, en Afrique du sud est gravissime, moins de 2 % des personnes vivant en Afrique sont vaccinées. Or, la levée des brevets sur les vaccins contre le SARS-Cov2 n’est toujours pas défendue par la Commission européenne, pas plus que par le gouvernement français, qui laissent se creuser les inégalités entre les pays les plus riches et les pays pauvres, à la merci de nouvelles vagues épidémiques et de nouvelles mutations du virus potentiellement plus contagieuses et/ou meurtrières.

Il existe un véritable apartheid vaccinal dont sont responsables les entreprises transnationales du médicament et les dirigeants des pays capitalistes développés. Dont le président français.

Une autre politique pour la santé, contre la pandémie

Difficile de commenter toutes les dernières « décisions » de Macron concernant cette pandémie : extension du « Pass sanitaire », obligation vaccinale pour les soignants, tests PCR payants, tant les précisions manquent au moment où nous écrivons. Notons que l’essentiel des mesures annoncées pour garantir l’adhésion vaccinale en France passe par la contrainte. Cette façon de faire, venant d’un pouvoir qui a montré tant d’incapacité en la matière, ne peut que rencontrer notre opposition. Menacer de mise à pied certains soignants est en particulier scandaleux. La répression touche déjà des lanceurs d’alerte, des syndicalistes indociles, maintenant elle viserait aussi des soignants non compliants à la vaccination. Nous sommes pour une obligation vaccinale, mais sans sanction, une obligation morale, une forte recommandation.

Des décennies de néolibéralisme ont perverti le concept de prévention, en ne cessant d’individualiser le « capital » santé et en prônant l’assurance individuelle contre le « risque » (avec naturellement des tarifs proportionnels aux risques). Pour nous, la liberté ce n’est pas réduire la décision de chacun pris isolément, abstraction faite de toutes ses relations sociales, quelles qu’en soient les conséquences collectives. La liberté à faire vivre collectivement passe notamment par une politique de santé publique démocratique et égalitaire, contrôlée par la population. Soignants, aidants, familles doivent devenir les acteurs d’une telle reconstruction. Une telle politique s’adresserait à toute la société et pas seulement aux individus pris isolément, car c’est de la protection de la population dans sa totalité dont il doit être question.

Ainsi, dès à présent, engageons-nous, tous ensemble, soignants et soignés, personnels hospitaliers et de santé et citoyens, pour sauver notre hôpital public, en soutenant le projet de référendum d’initiative partagée porté par l’association soutenue par le CIU et le CIH « Notre hôpital, c’est vous » (www.notrehopital.org) !

Quant à nous, nous continuons le travail de conviction pour que nos collègues, nos proches, nos parents, et bien au-delà toute la population se fassent vacciner au plus vite.

Nous sommes prêts à participer à une campagne d’information populaire avec les organisations de la société civile et le mouvement syndical, qui éclaire les enjeux de la vaccination de masse en direction de la population dans son ensemble.

Car la vaccination générale des soignants ne doit pas être dissociée de la vaccination de la population dans son ensemble. Cela passe par un « aller vers » – les personnes âgées, isolées, les précaires, les publics fragiles, etc. – en milieu rural comme en milieu urbain. Cela suppose une vaccination généralisée à toutes les classes d’âges susceptibles d’être vaccinées.

Pascal Boissel et Delphine Glachant

Pour le CN de l’USP

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