Courrier du Dr Delègue à l’ARS Rhône Alpes

Madame,

Nous revenons à vous suite au message du 8/12/2020 que vous nous aviez adressé en réponse à notre texte concernant l’inspection de novembre 2019 des CMP du CHANGE par l’ARS Auvergne Rhône Alpes.

Dans ce courrier, vous soulignez le nécessaire respect des textes législatifs. Vous citez à cet égard la circulaire du 14/3/1990, notamment autour de l’écart n 3 (écart : non-conformité constatée par rapport à une référence juridique opposable) portant sur le délai de premier rendez-vous au CMP.

Or cette même circulaire fait un état précis du nombre de structures CMP dont doivent être équipés les secteurs de psychiatrie générale et infantile : au moins deux CMPIJ par intersecteur (sauf cas très particulier de secteur urbain peu étendu) et au moins un CMPA par secteur. La commune nouvelle d’Annecy (C2A) s’étendant sur un périmètre de 70 km2, et la psychiatrie générale comportant trois secteurs au CHANGE, l’organisation actuelle des CMP respecte cette législation. Par contre les nouveaux projets créant deux uniques CMPA et CMPIJ centralisés mettent en place de nouveaux « écarts » avec cette législation et ne peuvent donc être réalisés.

En second lieu, nous souhaitons diminuer les délais de premiers rendez-vous conformément à la législation, mais nous pensons que le projet du Pôle Santé Mentale (PSM) nommé « DARE » (« dispositif d’accueil rapide et d’évaluation ») n’est pas adapté pour la pédopsychiatrie.

Ce « DARE » institue en effet une évaluation rapide en trois séances par des binômes infirmier et professionnel socio-éducatif, suivie de réunions de synthèse avec la présence du pédopsychiatre pour établir le projet de soins, soins qui devraient dans la grande majorité des situations nécessiter la rencontre d’autres professionnels, en particulier psychologues et pédopsychiatres.

Or un des principes de la « politique de secteur » est la « continuité » des soins psychiatriques1. Le « DARE » institue de façon systématique une discontinuité de la relation et des soins, très dommageable pour les patients. De plus l’évaluation complexe et plurifocale de la pédopsychiatrie nécessite l’évaluation clinique et le bagage de connaissances psychopathologiques des pédopsychiatres et psychologues cliniciens. Un premier accueil peut néanmoins être confié à des professionnels infirmiers et socio-éducatifs dans les situations les plus réactionnelles et/ou comportant des problématiques sociales (etc.), ce que nous pratiquons déjà dans nos CMPI suite à décision d’équipe. Tous les temps soignants sont précieux en CMPI, aucun ne doit être gâché par des accueils à caractère redondant. Enfin les réunions de reprise -avec les pédopsychiatres (et sans doute les psychologues)- de ces premiers accueils nécessitent du temps supplémentaire, qui devra donc être pris sur les temps soignants de ces professionnels.

Trois infirmières, une éducatrice, une cadre ont été récemment recrutées dans le cadre du projet (AAP) « Création d’un dispositif d’accueil rapide et d’évaluation/Renforcement, réorganisation des CMPIJ en centre ambulatoire central » financé par l’ARS ; or un renforcement général de la pédopsychiatrie est nécessaire avec notamment des temps de psychologues cliniciens et d’un ergothérapeute (soins non remboursés en libéral), professionnels qui n’ont pas été recrutés alors que ces postes figuraient dans le projet initial.

Nous pensons nécessaire de maintenir l’examen préalable des premières demandes avec accueil différencié selon les situations. Ces recrutements de psychologues cliniciens (et pédopsychiatres, mais le manque de ces professionnels amènent à reporter les recrutements nécessaires sur les psychologues) sont absolument indispensables pour pouvoir donner un rendez-vous dans les quelques jours par ces soignants qui pourront poursuivre les soins, mais aussi pour l’accueil en binômes de soignants qui peuvent aussi comporter des « psys » lorsque la situation s’y prête, et pour assurer les réunions nécessaires associées.

Il faut souligner enfin que les pédopsychiatres et les équipes de pédopsychiatrie doivent toujours être associés dans la concertation établissant les projets pour la pédopsychiatrie, ce qui n’a pas été le cas pour ce projet du PSM du CHANGE concernant les CMPI.

Nous adressons également ce message à Monsieur le Directeur général du CHANGE qui doit être informé de tous ces éléments, et nous vous prions de recevoir nos sincères salutations.

Dr Anne Delègue, le 13.12.2021,  

Avec les premiers soutiens et co-signatures de Michel Blanc psychologue, Dr Gilles Dubois de Prisque pédopsychiatre, Valérie Camier assistante médico-administrative.

1 Le secteur psychiatrique a retrouvé un fondement législatif avec la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Cette loi définit une mission de psychiatrie de secteur, à exercer par l’offre de soins psychiatrique, consistant à garantir à l’ensemble de la population :

– un recours de proximité en soins psychiatriques ;

– l’accessibilité territoriale et financière des soins psychiatriques ;

– la continuité des soins psychiatriques.

Organisation et fonctionnement du dispositif de soins psychiatriques, 60 ans après la circulaire du 15 mars 1960, établi par Alain Lopez, Gaëlle Turan-Pelletier, Membres de l’Inspection générale des affaires sociales, Tome 2 Annexes-Novembre 2017– n°2017-064R-,p. 15. https://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2017-064R-Tome_II_annexes.pdf