L’USP a appelé à la grève avec les autres syndicats de psychiatres d’exercice public le 28 juin 2022 (Communiqué IDEPP, le SPEP, le SPH et l’USP : appel à journée de grève le 28 juin 2022 et préavis de grève).
En 2003 déjà, aux Etats généraux de la psychiatrie, tout avait été dit sur la crise de la psychiatrie. Les revendications d’aujourd’hui étaient déjà là : la primauté donnée à la psychiatrie de secteur, des budgets spécifiques à la psychiatrie, une attention particulière aux formations, une réserve sur le tout biologique ou comportementaliste.
Vingt ans après, les sous-dotations de la psychiatrie, particulièrement publique, les réorganisations d’hôpitaux par filières de soins, l’accent mis sur les pseudo-innovations (culte du cerveau, e-santé) ainsi que la politique de la bascule public/privé, la concurrence entre services, pôles et établissements par le type de budgétisation (HPST, réforme du financement, appels à projets) ont fini de mettre à sac une discipline depuis longtemps exsangue.
Entre-temps, les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de casser les services publics, majorant la détresse sociale et aiguisant la violence des rapports sociaux, touchant pleinement les personnes dont s’occupent les professionnels de la psychiatrie.
Lassés par tant de forfaiture et par les efforts considérables fournis depuis le début de la Covid, dégoutés par un envahissement inacceptable des tâches administratives, les professionnels, psychiatres et infirmiers, quittent l’hôpital en masse. Cette spirale infernale aboutit cet été à quantité de lits ou unités fermées. Nous ne sommes pas naïfs : il ne s’agit pas d’une crise estivale, mais bien de la fin programmée de la psychiatrie publique. Qui peut encore croire que les soins pourront reprendre après l’été alors que les ARS prônent partout la baisse des lits ? Que seront devenus les patients ? Depuis des années, nombreux sont ceux qui ont été laissés sans soin, à la rue, en prison, enfermés chez eux.
L’USP rappelle qu’il existe de nombreux déserts médicaux en province mais aussi en banlieue.
Aujourd’hui, l’USP exige de pouvoir repenser l’organisation du système de soins psychiatriques en partant des besoins :
– écouter les premiers concernés, les patients, sur les soins qu’ils attendent
– écouter les professionnels, qui ont l’expérience, sur l’organisation des soins.
Ensemble, ils pourront élaborer une Loi cadre pour la psychiatrie et la soumettre aux élus.
Nous demandons le retrait du pouvoir discrétionnaire des directeurs comptables et qu’il en soit fini du management autoritaire, par la peur, de l’efficience et du benchmarking.
Non ! Mieux manager ne soigne pas mieux !
L’USP entend voir se renforcer par de véritables moyens les dispositifs d’accueil et de soins pour tous, sans discrimination, au sein de la cité. La psychiatrie de secteur constitue le seul dispositif qui permette proximité, continuité, gratuité, prise en charge des problématiques psychopathologiques et sociales qui constitue la double aliénation des sujets en souffrance psychique. Pour cela, une embauche de psychologues par milliers, non contraints aux méthodes éducatives, est nécessaire et applicable de suite.
L’USP refuse les plateformes, qui détruisent l’existant qui marche. Comme si les neuroleptiques, la ritaline, les robots… pouvaient suffire à aider un jeune à penser et construire son avenir ! Comme si les antidépresseurs pouvaient aider un patient déprimé sans désir !
A notre désespoir, on nous répond par des primes, faute de « baguette magique ». Mais nous ne voulons pas gagner plus pour travailler aussi mal ! Nous ne voulons pas de ces primes de complicité vis-à-vis d’une politique qui détruit la psychiatrie au profit du privé, sans lendemain, et qui provoque la mort des patients jeunes et moins jeunes par défaut de soins.
Nous voulons remettre au centre des soins psychiques la réflexion clinique.
L’USP répète ses exigences :
– Une revalorisation générale des salaires de tous les personnels et une reconnaissance des qualifications des professionnels. Plus globalement, et par-delà les salaires, des mesures permettant l’arrêt de l’hémorragie des infirmiers et médecins de l’hôpital public, c’est-à-dire l’amélioration des conditions de travail et leur participation réelle à la gouvernance de l’hôpital.
– Une titularisation des médecins à diplôme étranger, hors union européenne.
– Une admission en 2e année de médecine des étudiants ayant obtenu la moyenne.
– Un renforcement significatif des moyens financiers pour les établissements, qui passe par la suppression de l’enveloppe fermée, une augmentation substantielle du budget 2022 et une réorientation vers les soins des moyens de la bureaucratie comptable.
– L’arrêt de toutes les fermetures d’établissements, de services et de lits et la réouverture de lits et places autant que de besoin.
– De réelles mesures qui garantissent l’accès, la proximité et l’égalité de la prise en charge à 100 % pour la population sur tout le territoire.
Delphine Glachant, présidente,
Pierre Paresys, vice-président,
Pascale Rosenberg, membre du Conseil National