Préavis de grève le 29 novembre 2022

adressé à M. François Braun, Ministre de la Santé et de la Prévention

Monsieur le ministre,

L’Union syndicale de la psychiatrie (USP) dépose un préavis de grève nationale pour la journée du 29 novembre 2022. Ce préavis concerne tous les personnels médicaux, quel que soit leur mode d’exercice en psychiatrie ou dans le médico-social.

L’USP a, dans ce cadre, signé le communiqué commun ci-joint des trois autres syndicats de la psychiatrie publique (SPH, IDEPP et SPEP).

La crise de la psychiatrie est gravissime et n’est pas comparable à celle des autres disciplines, quoi que vous en disiez. Car, comme vous le savez, la psychiatrie est sous dotée depuis de nombreuses années et il n’est actuellement plus possible de soigner, dans de très nombreux services, que ce soit en ambulatoire (CMP, Hôpitaux de jour, CATTP) ou en hospitalisation complète.

Il est absolument nécessaire et indispensable d’injecter des moyens massifs afin de stopper la fuite des soignants, psychiatres et paramédicaux. Ces départs nombreux précipitent vers la fermeture de nombreuses structures et ne permettent plus de répondre aux demandes de soins de nos concitoyens.

En plus des augmentations de salaires et des recrutements, l’USP exige aussi des changements significatifs dans la gouvernance, de façon à remettre au centre des dynamiques hospitalières les projets médico-soignants, sans les mettre en concurrence, l’administration ne devant servir que de support à ces projets. Des moyens pour financer ces projets sont également nécessaires. Pour cela, nous devons sortir des enveloppes fermées (ONDAM). Le PLFSS 2023 prévoit un ONDAM en deçà de l’inflation !!!

Pour sortir de la dynamique d’hôpital entreprise et redonner le désir aux soignants de s’impliquer dans leur métier, la loi HPST doit être abolie.

USP exige par ailleurs toujours :

– L’arrêt de toutes les fermetures d’établissements, de services et de lits et la réouverture de lits et places autant que de besoin. Nous n’avons plus actuellement suffisamment de lits pour hospitaliser les personnes qui en ont besoin. Des patients sont sortis prématurément, sans être stabilisés, pour en admettre d’autres. Des patients en attente d’hospitalisation restent des heures et des heures, voire des jours, aux urgences, aggravant leur état psychique, majorant ainsi les mesures de contention, sédation, isolement aux urgences, les mesures de Soins Sans Consentement et contribuant à un accueil dégradée dans les unités d’hospitalisation d’aval. Ceci constitue également un facteur de stress important pour les personnels des urgences.

– De réelles mesures qui garantissent l’accès, la proximité et l’égalité de la prise en charge pour la population sur tout le territoire. Les derniers décrets concernant les autorisations en psychiatrie vont plus loin encore dans la destruction de la psychiatrie de secteur.

L’USP pense que les annonces du président de la République, à l’issue des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie en septembre 2021, étaient tout à fait insuffisantes. Nous ne pouvons que nous féliciter des mesures concernant la prévention et la déstigmatisation des maladies mentales, mais c’est l’ensemble des politiques sociales que le gouvernement doit revoir s’il veut que diminuent les souffrances individuelles. Les souffrances psychiques ont plusieurs déterminants, l’aliénation sociale étant très importante. Les « innovations » ne répondent en rien à ces souffrances psychosociales.

Les nouveaux moyens accordés pour continuer à faire vivre la psychiatrie de secteur sont nettement insuffisants et ne permettront pas d’avoir les coudées franches pour remplir ses missions d’accueil de tous et « d’aller vers », puisque tel est son rôle en travaillant les liens avec les acteurs de la cité.

L’USP souhaite notamment, pour la psychiatrie de secteur et pour la santé d’une façon générale, en revenir au service public (et non à l’hôpital entreprise où nous ne sommes que des prestataires de service) et que s’arrête de toute urgence la privatisation de la santé.

– Un retrait de toute fonction managériale aux responsables médicaux et non médicaux.

– L’arrêt de la réforme du financement de la psychiatrie, qui introduit un compartiment à l’activité qui va venir modifier notre travail clinique selon des critères budgétaires, au profit d’une dotation « à l’habitant ».

– La suppression de la notion d’efficience, de bench marking et de ce qu’elles sous-tendent, de tout projet d’intéressement.

– Le rétablissement de l’égalité d’accès aux soins, la suppression de tous les restes à charge, le 100 % Sécurité sociale et la reconversion de toute la bureaucratie gestionnaire et comptable (liée à la T2A), qui a généré un surcoût considérable pour faire moins bien.

Aucune once de l’attention portée au patient ne doit être détournée, parasitée par ces mécanismes.

L’USP demande également solennellement qu’il en soit fini de ces éternelles refontes de la loi concernant l’irresponsabilité pénale, qui vont toujours plus loin dans la « punissabilité » des malades mentaux.

L’USP appelle donc le 29 novembre 2022 à l’unité nationale pour sauver la psychiatrie et le service public de santé. Elle manifestera aux cotés du SPH, l’IDEPP et le SPEP, mais aussi la CGT, SUD santé sociaux, le Printemps de la psychiatrie et la Coordination des Comités de Défense des Hôpitaux et Maternités de Proximité.

Des années de politiques néolibérales successives ont entraîné le sous financement et la désorganisation des services publics dans leur globalité, elles sont cohérentes avec la politique du ruissellement d’« abord vers le haut », l’usage de la précarité comme une arme au travers notamment des lois travail et de la réforme de l’assurance chômage.

La souffrance liée à cette violence participe à l’engorgement des CMP ; elle est inacceptable.

Il faut, Monsieur le ministre, que cela cesse. L’USP attend une profonde réorientation du dialogue avec les acteurs de terrain. Le Ségur comme les Assises de la santé mentale ont montré leurs limites.

Le système de santé étant à genoux, les personnels quel que soit leur statut fuient les hôpitaux, leur manque de moyens et leur management brutal.

Monsieur, notre inquiétude est grande car c’est l’effondrement généralisé qui est proche !

L’USP exige un plan et une réforme d’ampleur pour l’ensemble du service public de santé et du médicosocial.

Veuillez accepter, Monsieur le ministre, nos salutations syndicales.

Delphine Glachant, présidente

Pierre Paresys, vice-président

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