Monsieur Darmanin a osé utiliser les termes : « Encore un ratage de la psychiatrie » dans les premières heures qui ont suivi un acte terroriste meurtrier.
Il a osé faire ce lien hasardeux alors que les terroristes ne présenteraient une pathologie psychiatrique que dans 10 % des cas.
Monsieur le ministre de l’Intérieur a donc osé une fois de plus parler de santé alors que cela ne fait partie, ni de ses compétences, ni de ses attributions.
Alors qu’il savait déjà que le criminel avait respecté son suivi psychiatrique obligatoire, que la loi peut l’imposer dans le cadre d’une injonction de soins et que la garde à vue n’avait pas été interrompue en raison de l’état psychiatrique du prévenu (ce qui peut être fait à tout moment par un examen psychiatrique à la demande de la police), ces premiers mots ne sont-ils pas venus détourner l’attention des affaires qui regardent le ministre de l’Intérieur, à savoir la surveillance des personnes à risque terroriste ?
Pourquoi parler de la nécessité d’injonctions de soins par les préfets alors que cette possibilité existe déjà sous la forme des Soins psychiatriques sur Décision du Représentant de l’Etat (SDRE), en l’occurrence le préfet ? Et aussi d’injonction de soins par les policiers ? Quelles seraient leurs compétences d’évaluation ?
Ne s’agit-il pas simplement d’instaurer une nouvelle strate de contrôle social, alors que ces dernières années se sont multipliées les atteintes aux libertés fondamentales de la population ?
C’est encore une fois pointer du doigt la psychiatrie, stigmatisant ainsi les personnes qui sont suivies pour des troubles mentaux et disqualifiant des professionnels sérieux qui chaque jour, en toute vigilance, sont auprès de ce public des plus vulnérables.
La psychiatrie est exsangue, abandonnée pendant des dizaines d’années par les pouvoirs publics et les gouvernements successifs, avec des budgets très insuffisants. Or, répétons-le, soigner dans des conditions dignes et éthiques, préserver et travailler un espace de pensée pour les patients est un combat quotidien.
Charles-Olivier Pons, président
Delphine Glachant, vice-présidente