Jusqu’où Frank Bellivier veut-il emmener la psychiatrie publique ?

Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, a changé de braquet.
Il s’inscrit dans la marchandisation du soin de notre époque, où tout n’est plus que chiffres et que flux. Il promeut les consommateurs de séances de psychothérapie par le dispositif monsoutienpsy et s’installe dans une déconstruction du métier de psychologue.

En complément, il annonce un destin encore plus funeste que l’existant à la psychiatrie publique, en projetant des soins en libéral par des thérapies spécifiques aux patients les plus malades.

Si la psychiatrie publique s’est développée sur le socle de la psychiatrie de secteur, c’est-à-dire l’accueil et le soin pour tous sur un secteur géopopulationnel donné, force est de constater que depuis des années, les équipes de secteur prennent en soins les patients les plus vulnérables et souffrant des pathologies les plus sévères. Ces patients peuvent alors bénéficier de soins multiples, complémentaires, auprès d’équipes pluriprofessionnelles.

Monsieur Bellivier nous annonce maintenant que ces patients aux pathologies les plus graves seront redirigés vers les psychologues libéraux, eux-mêmes remboursés par la CNAM. Fini le travail et le maillage institutionnel qui est absolument nécessaire et bénéfique à ces patients très nombreux.

Parallèlement, la fondation FondaMental, à laquelle est affilié Frank Bellivier, fait une offensive sans précédent pour faire valider ses centres experts comme partie intégrante du code de la santé publique et pour en faire une porte d’entrée dans les soins psychiatriques : des députés ont déposé une proposition de loi reposant  sur des études avec un niveau de preuve particulièrement bas et sans groupe contrôle pour promouvoir les centres experts. Rappelons que FondaMental, qui prône une psychiatrie neurobiologique « de précision »,  est financée par les plus grosses entreprises du CAC40 et est sous le contrôle de l’institut Montaigne.

Nous en sommes donc maintenant à la veille d’une nouvelle dystopie  contemporaine : un réseau de centres experts dits de diagnostic qui mailleraient le territoire et redirigeraient vers le privé les patients souffrant des pathologies les plus sévères. Rien de plus que ce qui a eu lieu dans les soins psychiques aux enfants, où les plateformes de diagnostic et d’orientation ont remplacé la plupart des CMPP et bon nombre de CMP. Par là même, nous assistons de façon non dissimulée à une volonté de faire table rase de la psychiatrie publique au nom du marché des soins.

Delphine Glachant

pour retrouver la tribune en pdf